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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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sur sa blessure un épais cataplasme d’herbes. Son visage portait tous les stigmates de la souffrance et sa voix était faible et haletante mais encore nette quand il articula :
    — Reprends tes armes… et emmène… mon fils en paix ! Tu as vaincu… mais je n’ai pas honte… d’avoir été vaincu par toi.
    — Tes hommes me laisseront-ils emmener l’enfant ? Les flèches sont déjà prêtes à frapper.
    — Aucune ne partira… Va !… je sais que tu en feras un homme. À présent… va-t’en ! Va-t’en vite !… Ne me laisse pas… le temps de me souvenir que vous n’êtes que deux !
    Sans un mot, Gilles se précipita vers le fleuve, rafla au passage ses vêtements et ses armes restés sur la berge et sauta dans le bateau. Tim était en train d’y livrer un combat homérique contre l’enfant. Toutes griffes et toutes dents dehors, le petit se battait comme un chat en colère, crachant comme lui mais sans dire un mot.
    — Je m’habillerai plus tard, dit Gilles. Filons ! Et ne me dis pas que tu ne peux pas faire tenir un enfant tranquille.
    — Charge-t’en, grogna le coureur des bois. Et laisse-moi ramer… Après tout… c’est toi son père !
    Sans répondre, Gilles enleva son fils dans ses bras et parvint à le maîtriser.
    — Allons, fit-il dans la langue des Indiens, cesse de te débattre. Nous ne te voulons aucun mal.
    C’était la première fois qu’il employait ce langage et la surprise détendit brusquement le petit.
    — Tu parles… comme nous ? dit-il enfin dévisageant cet homme étrange de ses grands yeux couleur des lacs gelés. Qui donc es-tu ?
    — Je suis ton père !
    Ce simple mot suffit à déchaîner de nouveau la fureur de l’enfant.
    — Ce n’est pas vrai ! Tu n’es pas mon père ! Mon père est un roi ! Mon père est le plus puissant chef de toutes les tribus et ma mère est…
    Brusquement, il s’arrêta et, comme tous les petits garçons du monde, il se mit à pleurer à gros sanglots tendant ses petits bras vers le village qui s’éloignait déjà.
    — Mère ! cria-t-il à travers ses larmes. Mère ! Ne les laisse pas m’emmener ! Mère ! Viens ! Viens !
    Alors quelque chose se passa. Horrifié, Gilles vit soudain une forme humaine, qui jusque-là s’était tenue agenouillée dans l’herbe de la rive qui se dressait et, soudain, se jetait dans le fleuve nageant désespérément vers le bateau.
    — Nahena ! souffla Gilles. Bon Dieu, elle va se noyer ! Le courant de ce sacré fleuve est assez fort et c’est déjà assez difficile de le remonter à la pagaie.
    — À qui le dis-tu ! fit Tim qui, en effet, pagayait comme un forcené pour lutter contre le courant devenu curieusement rapide. Il doit y avoir une source par ici…
    Mais Gilles n’écoutait pas. Serrant contre lui le petit garçon qui pleurait en appelant sa mère, il regardait avec une angoisse grandissante cette tête noire abandonnée sur l’immensité des eaux, cette tête noire où s’abritait une volonté prête au suprême sacrifice. Cette femme n’était pas la mère de Tikanti, pourtant son cœur se déchirait en le quittant comme celui d’une véritable mère…
    En un éclair, Tournemine vit le petit sauvage blond enfermé dans le carcan des vêtements occidentaux, subissant une vie pour laquelle il n’était pas fait, regrettant indéfiniment la vie libre et les exploits du guerrier qu’il admirait avec, pour mère adoptive, une femme qui serait sans doute pour lui une marâtre. Judith, il en était certain, subirait l’enfant mais ne l’aimerait jamais et, peut-être, le lui ferait sentir…
    À cet instant précis, il entendit Nahena pousser un cri d’agonie que l’eau étouffa. Elle avait nagé de toutes ses forces à s’en faire éclater le cœur. À présent, elle était à bout de souffle, elle allait couler… elle coulait…
    Le sang de Gilles ne fit qu’un tour. La nuit venait. Dans un instant il serait trop tard.
    — Retourne ! cria-t-il à Tim.
    Et, saisissant l’autre pagaie, il se mit à ramer avec fureur vers l’endroit où il avait vu Nahena disparaître. Alors, lâchant la pelle de bois, il plongea de nouveau, disparut sous la surface et eut, tout de suite, la chance d’apercevoir le corps inerte qui descendait doucement. D’une détente, il fut sur elle, lui passa une main sous chaque bras et nagea vigoureusement des jambes et des pieds pour regagner avec elle l’air respirable.
    Il se rendit tout de suite compte

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