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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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conservateurs, il pouvait jouer la carte du premier ministre King et de son lieutenant canadien-français Lapointe par opportunisme. Rasé de frais, un soupçon d'eau de Cologne, bien sanglé dans son uniforme, il se trouva à la porte du Club de Réforme quarante minutes plus tard. Il s'agissait d'un club social où les membres du Parti libéral pouvaient se rencontrer, un verre à la main. Logé dans une grande bâtisse de pierre grise, à deux pas du Manège militaire, l'hôtel du Parlement se trouvait tout près. Les membres profitaient de la présence d'un bar, d'une salle à manger, d'une bibliothèque et ils s'y présentaient avec l'assurance de n'y rencontrer que des libéraux, sauf si quelqu'un, pour s'amuser à ses dépens, amenait un ami conservateur. Cela se produisait parfois, car les rapports entre les deux groupes demeuraient civilisés, excepté pendant les périodes électorales.
    La place était bondée en ce lundi midi, une espèce de fébrilité flottait dans l'air. Le nouveau venu demanda au maître d'hôtel, pressé de s'enquérir de ses besoins, si monsieur Lapointe ou mademoiselle Trudel étaient là.
    —    Vous êtes monsieur Daigle ? Il n'y a pas cinq minutes qu'ils sont arrivés.
    Un instant plus tard, Renaud serrait la main d'Ernest Lapointe. Celui-ci était grand, avec un visage bien rond. Dans la jeune cinquantaine, il affichait un air d'autorité susceptible d'en imposer à des personnes bien plus âgées. Un échange de regards se produisit entre lui et Elise. Elle était tout sourire, l'air de dire « N'est-ce pas qu'il va faire l'affaire ? » Quand Renaud fut assis, elle lui tendit une chemise en carton. Il y trouva une carte de membre du Parti libéral et une autre du Club de Réforme. Docile, l'homme sortit sa plume, signa les deux cartes, de même que deux formulaires grâce auxquels il demandait ces cartes. Elle avait rempli ces documents elle-même et les avait datés de l'année précédente. Cela ferait un meilleur effet.
    —    Ainsi, monsieur Daigle, vous êtes disposé à travailler à la réélection de mon collègue dans la belle circonscription de Québec ? demanda Lapointe.
    Lui-même se présentait dans Québec-Est, une circonscription qui englobait les quartiers ouvriers de la Basse-Ville.
    —    Bien sûr, quoique je ne comprenne pas très bien en quoi je peux vous être utile, répondit Renaud.
    —    Vous avez déjà commencé, rétorqua Lapointe un ton plus bas. Je me suis opposé à la conscription en 1917. Beaucoup de libéraux étaient en faveur, ils ont été nombreux à joindre le gouvernement d'union de Borden. Si vous regardez autour de vous, vous remarquerez des yeux tournés vers cette table. Ce soir, tout le monde saura qu'il y a un héros de la Grande Guerre dans mon équipe. Cela permettra de rallier ceux qui sont assez favorables à nos politiques, tout en voulant préserver le magnifique Empire britannique.
    Le nouveau venu avait bien vu des regards le suivre dès son entrée dans la pièce.
    —    Ils sont nombreux, ces gens à ramener dans le droit chemin? demanda-t-il.
    —    Difficile à estimer. Ils sont sans doute plus nombreux aujourd'hui que pendant la guerre, alors que le gouvernement réclamait leurs fils pour aller au massacre. Une fois tout danger passé, beaucoup de gens se sentent attirés par l'aventure militaire et la gloire impériale, expliqua le candidat.
    —    Les belles histoires sur la Grande-Bretagne qui apporte la civilisation au monde ont eu leur part de succès dans la province, ajouta Elise. Les romans de Rudyard Kipling ont été publiés même en feuilleton dans nos journaux.
    Même les Canadiens français les plus nationalistes affichaient une certaine admiration pour l'œuvre civilisatrice de la mère patrie.
    —    Cependant, continua la jeune femme, les conservateurs ont un grand talent pour faire douter de notre attachement à cette grande aventure.
    —    Monsieur Lapointe, je vais vous répéter ce que j'ai déjà dit à mademoiselle Trudel. Je ne puis être d'une bien grande utilité. Je ne comprends même pas tous les mouvements politiques qui divisent le Canada. C'est relativement simple dans le cas des libéraux. Mais les conservateurs impérialistes au Canada anglais, nationalistes et cléricaux ici... , les gouvernements de fermiers dans l'Ouest, le Parti progressiste... Je m'y perds et je pourrais vous mettre dans l'embarras.
    —    Les conservateurs ne comprennent

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