Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
montrait là une excellente compréhension de l'évolution de l'Empire britannique depuis la fin de la guerre. Son voisin acquiesça de la tête.
    —    Rassurez-vous cependant, continua-t-elle, ce n'est pas mon intention de vous demander cela. En discutant de la chose avec mon père, je lui ai rappelé combien votre uniforme était seyant, avec les médailles et tout. Une bonne partie de l'électorat de la région est de langue anglaise. Il serait bon île leur rappeler que les libéraux, même s'ils n'étaient pas chauds à l'idée de la conscription, ont toujours été bien disposés à l'égard de l'effort de guerre. Si nos électeurs entendent ces arguments tout en admirant vos médailles, ils vont boire vos paroles.
    —    Vous voulez me promener de cuisine en cuisine pour semer des discours partisans ?
    —    Dans notre circonscription, ce sera plutôt de salon en salon, riposta-t-elle.
    La précision s'accompagna d'un sourire amusé. L'image de cet intellectuel attablé avec une famille ouvrière du quartier Saint-Roch l'amusait fort. Le résultat ne serait peut-être pas si mauvais.
    —    Vous n'êtes pas sans avoir remarqué ma timidité naturelle. Vous êtes certaine que je ne ferai pas plus de tort à votre... à notre candidat, que de bien? se reprit-il.
    —    J'en suis certaine. Je vous surveillerai tout de même pour m'assurer que vous ne précipitiez pas nos électeurs dans les bras du Parti conservateur.
    Jusqu'à la fin de la soirée, elle l'entretint de la communauté anglophone de la ville, composée surtout d'hommes d'affaires et de professionnels. Il y avait bien sûr aussi une communauté ouvrière d'origine irlandaise, mais celle-ci s'effritait au gré des départs vers l'Ouest et vers les Etats-Unis, où les conditions économiques étaient meilleures. Ceux qui restaient à Québec adoptaient le français, progressivement.
    Quand il partit ce soir-là, il était bien embrigadé dans la campagne d'Ernest Lapointe, le chef des libéraux de langue française, candidat dans la Basse-Ville, et accessoirement du candidat de ce Parti dans la Haute-Ville. Ce serait pour lui l'occasion de démontrer ses qualités. Tous les vieux bonzes du Parti souriaient de le voir si bellement conscrit. C'est presque en collègue qu'Elise lui serra la main.
    Depuis quelque temps, il en était «à tu et à toi» avec Germaine. En fait, les baisers avaient créé une intimité suffisante pour que tous les deux soient plus à l'aise. Renaud apprenait à connaître la vie d'une vendeuse, les longues heures debout et le sourire de commande, la compétition pour les promotions, ou juste pour être bien vue du chef de service. Quant à elle, si elle ne voyait pas toujours la signification de ce qu'il faisait toute la semaine - lire autant ne lui paraissait pas être un vrai travail -, elle constatait que cela lui permettait de vivre très confortablement.
    Ils s'étaient retrouvés à la fin de l'après-midi. Attablée dans un petit restaurant, elle lui demanda, curieuse :
    —    Ce souper hier soir, c'était agréable ?
    —    C'était surtout du travail, chez le ministre Trudel. Le premier ministre était là aussi. Je vais devoir travailler à l'élection fédérale.
    Bouche bée, elle apprécia tout d'un coup l'immense distance entre la Basse-Ville et la Haute-Ville. La réflexion que Renaud était trop bien pour elle lui venait souvent. Pas à propos des qualités personnelles bien sûr - souvent prétentieux, indifférent à ses sentiments à elle, froid même, son attitude en faisait un curieux personnage -, mais au regard de la position sociale. Si leurs rapports avaient été plus cordiaux, cela lui aurait fait un moins grand effet. Ils gardaient une réserve l'un avec l'autre.
    L'employée avait eu l'intention de l'inviter chez ses parents avant la fin de la soirée, afin de donner un caractère officiel à leurs rapports, faire de lui son «cavalier» régulier en quelque sorte, juste un cran en bas des fiançailles. Mais elle décida de remettre cela à plus tard. Son père, contremaître d'usine, n'intéresserait pas Renaud tout de suite après avoir côtoyé le premier ministre.
    Comme de nombreuses fois au cours des dernières semaines, ils se retrouvèrent au cinéma. Il y avait dans les balcons, comme au parterre d'ailleurs, des sièges doubles. Pour la première fois, Germaine choisit l'un d'eux. Ils ne se trouvaient pas tellement plus près l'un de l'autre, mais l'absence

Weitere Kostenlose Bücher