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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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pas mieux que vous leurs propres contradictions. A cause de cela, dans notre province ils n'ont pas pu obtenir une majorité de sièges depuis trente ans, tant lors d'une élection fédérale que lors d'une élection provinciale. Avec la conscription, ils ont perdu le Québec pour longtemps.
    La performance des conservateurs lors de certains scrutins provinciaux se révélait médiocre. Le Québec vivait en réalité sous un régime de parti unique.
    —    Du côté des libéraux, continua le vétéran, ce n'est pas l'unanimité non plus. Vous avez évoqué les désertions nombreuses au moment de la conscription.
    —    Nous avons rallié la majorité de nos membres en 1921 pour gagner l'élection... d'extrême justesse il est vrai.
    En réalité, la division des votes des Canadiens entre diverses organisations politiques permettait au parti le plus populaire d'assumer le pouvoir avec une minorité du suffrage. Il continua, très sérieux :
    —    Nous mettons plus de soin que les conservateurs à chercher des consensus acceptables pour tout le monde, même si certains prétendent que nous utilisons des chemins tortueux.
    —    Mais, cette fois-ci, les chances d'une victoire libérale semblent bien faibles.
    Quelques semaines à lire de nombreux journaux publiés d'un bout à l'autre du Canada donnaient à Renaud une vision réaliste de la situation.
    —    Le Parti est dans une position délicate, intervint Elise. Les électeurs de l'Ouest penchent en grand nombre vers le Parti progressiste ou favorisent des candidats indépendants aux idées sociales avancées. King a mis au programme du Parti libéral des propositions audacieuses, comme un régime de pensions pour les vieux, la journée de travail de huit heures, un régime d'assurance-chômage.
    —    Il s'est aussi éloigné de l'Empire, l'interrompit son invité. Cela a incité des gens à se replier vers les conservateurs : le monde des affaires et beaucoup de groupes religieux craignent les mesures sociales, d'autres ont la nostalgie de l'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais.
    Elise lui sourit comme à un bon élève, puis elle conclut:
    —    Notre succès sera proportionnel à notre capacité de rallier les progressistes.
    —    Avec la promesse de politiques sociales, je sais. Ces mesures me plaisent. Ce sont des engagements du bout des lèvres, ou le premier ministre livrera la marchandise ?
    Au tournant des années 1920, Renaud avait été témoin des grandes grèves menées au Royaume-Uni. Un moment, les notables avaient craint de voir le pays s'enfoncer dans la révolution.
    —    Je crois que oui, précisa la jeune femme, mais ce sent très progressif, pour ne bousculer personne. King a une façon bien particulière de s'exprimer. Il appelle les progressistes qui réclament des mesures sociales immédiates des « libéraux pressés». Il a formulé ses idées sur un capitalisme humaniste il y a plusieurs années. Je crois qu'il va les appliquer une à une, quand la population sera prête à les accepter.
    —    Quelles sont vos chances de l'emporter ?
    —    Dans ma circonscription? Totales ! clama Elise comme si c'était elle la candidate.
    Elle baissa le ton au moment de continuer :
    —    Dans la province, nous aurons une confortable majorité. Au Canada anglais, ce sera difficile. L'Ontario a élu les conservateurs au provincial il y a deux ans, l'Ouest est l'objet d'un brassage d'idées politiques qui peut tout aussi bien nous aider que nous nuire. Je ne parierais pas une grosse somme sur nos chances de former le prochain gouvernement, mais à moyen terme je ne crois pas que les conservateurs soient une menace.
    Renaud aimait cette façon de voir les choses. Son signe de tête indiquait à la fois sa compréhension de cette analyse et son désir de travailler avec eux. Un serveur profita de cette accalmie dans la conversation pour leur demander s'ils étaient prêts à commander leur repas. Ils l'étaient, même si personne n'avait encore consulté le menu. Ce fut l'affaire d'une minute. Elise s'excusa, sous prétexte d'aller remettre les formulaires signés par Renaud à quelqu'un. En la regardant s'éloigner, Lapointe murmura :
    —    Si ce n'était du risque de faire jaser, et c'est un bien grand risque dans cette ville, je ferais d'elle ma secrétaire. A la place, le sot à mon service ne comprend pas la moitié de ce qu'elle vient de vous expliquer, mais comme il a des

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