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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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taire, n'est-ce pas? Jure-moi que tu vas te taire. Jure-le sur la tête de ta famille.
    Il y avait une trace de panique dans sa voix.
    —Je te le jure sur la tête de ma mère.
    Bégin sentit un poids énorme quitter ses épaules. Il fit le même serment. Ils restèrent face à face sans rien dire pendant de longues minutes, puis se quittèrent après des salutations timides. Ni l'un ni l'autre n'avait touché au thé ou aux biscuits.
    La journée du lieutenant Gagnon prit une tout autre tournure, comparée à celle de ces jeunes bourgeois. Il était resté longtemps derrière son volant, à rager. L'histoire de Trudel pouvait être vraie, mais le chef de police l'avait acceptée trop rapidement à son goût. Celui-ci ne tenait pas à avoir des ennuis avec les autorités, même si cela conduisait à une certaine complaisance à l'égard de quelqu'un qui, à tout le moins, devait être traité comme un suspect sérieux.
    S'il insistait, Ryan pouvait lui retirer cette enquête en invoquant ses «égarements», ou plus simplement le congédier. Que devait-il faire, sinon s'intéresser à d'autres suspects? Avant la découverte du corps et de ce fameux livret, les soupçons de Gagnon étaient allés en direction du beau-père et de ses fils. Le mieux était de pousser dans cette voie, car si Trudel n'avait véritablement rien à voir dans cette histoire, il n'existait pas vraiment d'autres pistes.
    Auparavant, mieux valait tout de même faire authentifier le contenu du sac brun. Il se rendit donc rue Langelier pour trouver la femme Girard inconsolable. Oui, le mouchoir marqué EG appartenait bien à son mari. Ce dernier n'était pas là pour confirmer, à cause de son travail, mais de toute façon elle l'avait remis en main propre à Blanche dix jours plus tôt. Celle-ci avait trouvé le moyen de s'enrhumer en plein été. Gagnon quitta les lieux déterminé à revenir en soirée pour voir la tête de ce Girard, afin de savoir si ce dernier avait l'air d'un type capable de violer et de tuer sa nièce.
    — Comme si cela se voyait à la tête des gens ! murmura le policier en retournant à son véhicule.
    Si cela avait été le cas, pensait-il, il n'y aurait jamais de crime, puisque les coupables potentiels ne feraient aucun des gestes répréhensibles que leur physionomie trahirait aussitôt.
    En rentrant au poste de police, il s'arrêta encore pour montrer le drap au commerçant Jean-Baptiste Tremblay. Celui-ci le reconnut comme son bien, mais n'exprima aucun désir de le récupérer: les taches brunes de sang coagulé, comme la faible odeur de pourriture, lui en enlevaient toute envie. La nouvelle vendeuse passa même tout prêt de s'évanouir à la vue de la pièce de tissu. Gagnon laissa au marchand le soin de lui faire retrouver ses couleurs avec un petit verre de gin, et il regagna son bureau.
    Le lieutenant ne voulait pas voir encore une fois la mine ravagée par les pleurs de madame Girard. Il se stationna donc en face de son domicile et attendit le retour d'Edmond. Celui ci n'était pas homme à s'arrêter à la taverne après le boulot. A dix-huit heures dix, il était là. Gagnon le héla, se présenta et lui demanda de monter dans son automobile.
    —    Vous savez ce qui est arrivé à votre nièce? demanda
    t-il.
    —    Oui, oui ! Il n'a été question que de cela au travail.
    —    C'est bien à vous ? demanda le policier, en lui montrant le mouchoir marqué EG.
    —    Oui. Ma femme le lui avait prêté. Elle vient... elle venait régulièrement à la maison.
    Le policier remit le mouchoir dans le sac en papier brun, puis demanda encore :
    —    Où étiez-vous le 3 juillet dernier ?
    —    Oh mon Dieu ! C'est le jour où elle est disparue ? Vous ne pensez tout de même pas que c'est moi !
    En effet, Gagnon ne le pensait pas vraiment. Edmond Girard était un petit homme chauve, affublé de lunettes métalliques. Il l'imaginait sans difficulté agenouillée aux côtés de sa femme dans le petit oratoire aménagé dans un coin de la chambre conjugale. Il le soupçonnait d'être une véritable grenouille de bénitier, allant à la messe tous les matins de la semaine, avant de se rendre au travail, puis tous les dimanches, sans compter les vêpres, les fêtes disséminées toute l'année, les grandes manifestations comme les quarante heures, les retraites fermées, les pèlerinages à Sainte-Anne-de-Beaupré. Une petite croix dorée pendait à son cou et, plus bas, à cause de la

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