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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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confessionnal. Cela ne lui faisait pas de bien, sans lui faire de mal non plus. Ainsi, il présentait l'image du catholique moyen de la province de Québec, bien moins enthousiaste qu'Edmond Girard - moins naïf aussi, aimait-il à penser -, mais tout de même l'un des membres du troupeau.
    D'habitude, il se retrouvait à l'église de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, aux côtés de sa femme. Les besoins de son enquête l'amenaient cette fois dans l'immense église de la Basse-Ville, érigée en plein quartier ouvrier, mais affectant des allures de cathédrale. L'édifice portait un saint Roch accompagné de son chien, tous deux dorés, bien haut sur la devanture. Le lieutenant suivait l'office plutôt distraitement, souvent tourné à demi pour voir le jubé. La chorale dont Blanche avait fait partie s'y trouvait. Une dizaine d'hommes, le double de femmes, dont les plus jeunes avaient moins de vingt ans et les plus vieilles, la cinquantaine. Ils chantaient les cantiques sous la direction d'un jeune abbé, sans doute l'un des nombreux vicaires de cette grosse paroisse. Dans l'ensemble, cette chorale d'ouvriers et d'ouvrières endimanchés ne s'en tirait pas mal. Moins bien que leur contrepartie de la Haute-Ville, bien sûr: mais sur ce plateau dominant le fleuve, tout était tellement mieux que dans la la Basse-Ville, y compris les chants d'église !
    —    Tantum ergo Sacramentum, entonnait-on.
    Gagnon avait un peu oublié les quelques notions de latin d'église que les frères des Ecoles chrétiennes lui avaient apprises dans sa jeunesse : pas le vrai latin de Cicéron enseigné au cours classique, bien sûr, seulement les quelques phrases de la messe destinées aux élèves du cours commercial. Il voyait Germaine Caron à l'une des ailes de la chorale : cette belle grande femme devait assurer l'assiduité de quelques-uns des hommes, plutôt que l'amour de la musique.
    —    Ite missa est.
    De ça aussi Gagnon se souvenait : enfin, cela se terminait.
    Il s'empressa de quitter la nef pour attendre au pied de l'un des escaliers conduisant au jubé. Sans doute les membres de la chorale parlaient-ils musique, car l'église eut le temps de se vider avant que les premiers d'entre eux n'apparaissent. Gagnon harponna le jeune abbé, absorbé par une conversation sur des arpèges avec une vieille dame, pour lui demander de lui désigner John Grâce. Le prêtre fut un peu troublé: il devinait avoir affaire à un détective. Il avait eu un mal fou à faire travailler son monde à la répétition de la veille. Blanche était dans toutes les pensées, sur toutes les lèvres. Cette jeune femme timide avait été peu appréciée de son vivant, et ils ne la pleuraient pas à chaudes larmes maintenant. Mais les circonstances de sa mort étaient tellement exceptionnelles, elles mettaient tous les chanteurs, hommes et femmes, dans un état d'agitation excessive.
    L'abbé lui désigna un homme à la peau très pâle, jeune encore mais avec un début de calvitie, qui passait la porte. Gagnon le remercia et emboîta le pas au garçon pour le rejoindre au moment où celui-ci atteignait tout juste le perron de l'église, mettant son chapeau pour se protéger du soleil. Ce paroissien cherchait quelqu'un des yeux, et ce n'était pas un policier.
    Il ne cacha pas sa déception quand Gagnon s'identifia et exigea de lui parler quelques minutes. Germaine Caron sortait justement, devisant avec ses camarades.
    —    Excusez-moi un instant, fit Grâce à voix basse.
    Il alla vers Germaine, lui dit quelques mots. Celle-ci acquiesça, salua Gagnon d'un signe de tête, et lui tourna le dos pour continuer sa conversation. Revenu près de lui, Grâce murmura :
    —    Je Suis à votre disposition. Où pouvons-nous parler?
    C'était un garçon de vingt-cinq ans environ, de petite taille, timide. Il portait un habit bleu sombre, sans doute acheté dans l'un des grands magasins de la rue Saint-Joseph. Tout en lui clamait le petit commis: sa mise respectable et sérieuse - bleu foncé, par cette chaleur ! -, ses mains blanches et fines, son souci de s'exprimer correctement.
    —    Le mieux serait de monter dans ma voiture, ce sera plus confortable et plus discret que de rester ici, fit Gagnon.
    Comme il marchait vers son véhicule avec le jeune homme, il remarqua que celui-ci boitait un peu. La semelle de sa chaussure gauche avait une épaisseur de trois bons doigts : sa jambe devait être atrophiée, mais il faisait tous les efforts

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