Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
chemise entrouverte, on voyait un scapulaire et trois ou quatre médailles attachées à sa camisole avec une épingle de nourrice: il devait y avoir là un saint Joseph, une Vierge, une sainte Anne, un saint Christophe, la panoplie du dévot.
    Le policier ne connaissait pas ce Girard, mais il connaissait ce genre d'homme. Il devait avoir rêvé de se faire prêtre, mais ses parents n'avaient pas pu payer le séminaire. Pusillanime, timoré, la religion devait procurer un sens à sa vie. Si d'autres se tournaient vers la boisson, lui donnait dans la religion : elle lui apportait une certaine contenance dans les moments d'émotion, l'oubli devant les difficultés. Il tétait sa religion comme les enfants sucent leur pouce.
    —    Oh mon Dieu ! répétait-il.
    Après un moment, il continua :
    —    Mais comment pouvez-vous même penser... Je jure que je n'ai rien à voir là-dedans. J'aimais bien Blanche, jamais je ne lui aurais fait de mal.
    —    Je dois poser ces questions à tout le monde, le rassura Gagnon. Où étiez-vous samedi le 3 juillet?
    —    Au travail, bien sûr. Je suis à l'emploi du Canadien National, aux élévateurs à grain. Tout le monde vous le dira. Après je suis rentré à la maison, comme aujourd'hui, directement. J'ai passé la soirée avec ma femme.
    —    Et dans les jours suivants, rien de spécial ne s'est produit ?
    L'autre fouilla un moment dans ses souvenirs, avant de préciser :
    —    Non. Le dimanche, les enfants sont venus dîner. Nous sommes allés à l'église. J'ai travaillé tous les jours de la semaine. Et le soir, je suis rentré à la maison.
    —    Aucune absence, aucune sortie ?
    —    Non. Sauf mercredi soir, où je suis allé à l'église avec ma femme. Nous y allons tous les mercredis soirs.
    «Cela doit être vrai, se dit Gagnon: personne ne s'inventerait une vie aussi ennuyeuse. »
    Il allait vérifier, bien sûr. Il fallait toujours le faire. Mais, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas au moins, sa première impression était la bonne. Pour mentir à la police, il fallait l'habitude des grands mensonges : les criminels - les vrais, pas ceux qui font une bêtise sous le coup d'une émotion trop vive et se trouvent ensuite soulagés de tout avouer -comme les politiciens se montraient experts en grands mensonges. Cette pensée fit sourire Gagnon: les Trudel lui étaient rapidement venus à l'esprit.
    Il secoua la tête pour chasser ces réflexions inopportunes et continua :
    —    Vous avez une idée de ce qui est arrivé ? Qui a pu faire ça à votre nièce ?
    Ce fut au tour de Girard de se perdre un court instant dans ses réflexions. L'image des Germain vint immédiatement à son esprit. Il en avait discuté avec sa femme dès que la nouvelle de la disparition de sa nièce leur était parvenue. Mais comment aborder un sujet aussi scabreux?
    —    Je ne voudrais pas médire de mes semblables, surtout des membres de la famille, commença-t-il.
    Son interlocuteur connaissait très bien la différence entre la médisance et la calomnie, songea Gagnon. Il devait pouvoir citer les commandements de Dieu, ceux de l'Eglise, la liste des péchés capitaux et tous les autres, de même que des chapitres entiers du catéchisme, de mémoire. Même Gagnon, pas du tout religieux, savait la différence. On calomniait quelqu'un quand on l'accusait d'avoir commis une faute dont il était innocent. Médire était tout autre chose: c'était dire une vérité que la discrétion, la charité chrétienne, devait nous inciter à taire. Girard recommença après une pause :
    —    Je n'aime pas médire des autres, surtout des membres de la famille, même si ce n'est que par alliance, mais les Germain !
    Puis il s'arrêta encore, effrayé d'aller plus loin.
    —    Selon vous, les Germain savent quelque chose ? Le père ? Les fils ?
    Comme la réponse ne venait pas, Gagnon ajouta encore :
    —    C'est votre devoir de citoyen, mais aussi de chrétien, de donner toutes les informations que vous possédez à la police. Pensez à cette pauvre jeune fille, votre nièce.
    Ce langage de curé leva quelque peu les hésitations de Girard. Il cherchait ses mots, cela rendait les confidences laborieuses :
    —    Tous, le père, les fils. Ils... ils traitaient très mal Blanche, tout comme sa sœur Marie-Madeleine, d'ailleurs. Ils...
    —    Ils la battaient? essaya de compléter le policier.
    Il insista après un silence :
    —    Ils

Weitere Kostenlose Bücher