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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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décidé de tout faire arracher, sauf les arbres, « de façon à ce qu'on puisse voir ce qui se passait là ». Renaud s'assit sur une grosse pierre et regarda l'eau qui coulait doucement, songeur.
    Après un moment, il se décida à passer aux choses sérieuses : dénicher son logement. Il adressa un salut du doigt à Gauthier en passant, sans tenter de lui parler, ce dont le vieil homme lui fut reconnaissant. Il acheta un Coca-Cola au kiosque du parc et entreprit de rejoindre le boulevard Langelier. Le promeneur apprécia au passage la belle architecture de l'École technique de Québec. A l'extrémité du boulevard Langelier se trouvait une côte plutôt raide donnant accès à la rue Saint Jean. Essoufflé, le dos mouillé par l'effort, Daigle gagna ainsi la Haute-Ville. Il emprunta la rue Cartier pour se rendre rue Grande Allée.
    Il entreprit alors de visiter quelques appartements. En après-midi il se décida enfin pour le plus dispendieux : un logement de trois pièces comprenant une cuisine dînette où il ne pourrait accueillir plus de trois visiteurs. Il y avait une salle d'eau complète, un luxe rare dans un logis de cette taille. Il se trouvait au huitième étage de l'édifice Morency, la vue sur le fleuve et la rive sud était magnifique. L'édifice venait tout juste d'être terminé et il faisait la fierté des promoteurs. Rien de plus moderne ne se trouvait dans la ville. Renaud allait payer soixante dollars par mois le privilège de vivre là, mais de grands appartements allaient chercher un loyer de plus de cent soixante dollars: une fortune! Il ne manquait à son domicile qu'un balcon pour prendre l'air. Le locataire en serait quitte pour descendre sur les plaines d'Abraham, situées sous ses fenêtres.
    Coûteux, l'endroit offrait tout le confort moderne. Il s'y trouvait une cuisinière et un réfrigérateur électriques - il en voyait pour la première fois ailleurs que dans un grand magasin -, une table de cuisine et des chaises, une causeuse et deux fauteuils, un lit double et une commode assortie. Même le téléphone était déjà installé et en état de marche. Il demanderait à la compagnie Cunard d'apporter tout de suite ses malles, le gardien de l'édifice se chargerait de les recevoir.
    Vers seize heures, un bail en poche, Daigle décidait d'aller manger au Château Frontenac. Il rentrerait ensuite « chez lui ».
    Jean-Jacques Marceau hésitait à se rendre au Château Frontenac. En fait, il mettait le pied dehors pour la première fois depuis dimanche. Ce jour-là, Fitzpatrick l'avait déposé chez lui à la sauvette, en fin d'après-midi. Il avait béni le ciel que sa mère se trouvât chez une parente, tellement il était défait. Quoiqu'il eût répandu sa bile sur les planchers de la maison de Château-Richer, le cœur lui montait dans la gorge. Quand elle était revenue en fin de soirée, la femme avait détourné les yeux de son air de déterré. Elle avait patienté jusqu'à mercredi avant de déclarer :
    — Si l'alcool te met dans cet état, il faut t'abstenir d'en boire.
    Quand le jeune homme entra dans le hall du grand hôtel, il se dirigea immédiatement vers la grande salle de bal. Elle était plutôt achalandée, compte tenu de l'heure. Le Château donnait des thés dansants la fin de semaine, vers cinq heures. Cela permettait de réunir une clientèle aux intérêts à la fois diversifiés et complémentaires. Rassemblées autour d'une cinquantaine de petites tables, des dames d'âge mûr papotaient en sirotant du bout des lèvres de minuscules tasses de darjeeling, de ceylan, de keemun, ou plus prosaïquement de Earl Grey. De plus, des jeunes gens venaient danser au son d'un orchestre de quatre musiciens jouant en sourdine. Cela permettait de tenir une personne de l'autre sexe dans ses bras, de parler avec elle, sous les yeux d'une armée de rombières capables de témoigner qu'il ne se passait rien de répréhensible.
    Marceau se trouva un moment debout près de l'entrée de la salle, à côté d'un grand type dégingandé qui tenait dans une main un prospectus de l'immeuble Morency et dans l'autre, son canotier. Bien vêtu, son costume témoignait de son aisance, de son élégance et de son non-conformisme. Ce fut du moins les informations que Marceau voulut déduire du choix du tissu, de la coupe et des couleurs. Il se surprit même à lui jeter des regards obliques avant de se rendre compte que l'autre, le regard errant dans la salle, détaillait toutes celles

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