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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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rapidement saisi au collet, à demi assommé de quelques coups de matraque. Renaud descendit, examina un moment la peinture écorchée sur l'aile et répondit au policier:
    —    Non ! Laissez-le tranquille.
    A regret, le policier lâcha prise. L'ouvrier s'éloigna sans demander son reste. Ses camarades lançaient des cailloux vers les fenêtres de la manufacture de chaussures. Quand il entendit les premiers bruits de verre brisé, le spectateur embraya la marche arrière pour s'éloigner. Dans les jours suivants, il apprendrait par les journaux que des manifestants devraient faire plusieurs mois de prison pour avoir attenté à la propriété de leur employeur. Le juge ne lésinerait pas sur les sentences.
    Il était bien dix heures du soir quand il revint au Morency. Il releva soigneusement la capote - la rosée du matin ne devait pas abîmer le cuir de ses sièges -, fit mine de rentrer chez lui, mais se retourna encore pour admirer son bijou, s'attardant sur la blessure faite à la peinture rouge. Après un moment, il se raisonna :
    —    Laissons-là le jouet, demain matin des choses sérieuses m'attendent.
    Le lendemain matin, en arrivant au poste de police, Gagnon vit les deux frères Germain qui attendaient sagement, sur un banc en bois. Ils avaient dû se résoudre à régler cette histoire tout de suite. Ils ne semblaient pas du tout intimidés de se trouver là. D'ailleurs, de temps en temps, des policiers venaient leur faire la conversation. Ils étaient connus, ces petits truands. Plusieurs policiers considéraient leurs activités comme des services nécessaires dans une grande ville. Ils acceptaient de tourner les yeux pour ne pas voir la prostitution, le jeu ou la contrebande d'alcool, tout en tendant la main pour obtenir une petite obole. Les salaires versés par la Ville demeuraient bien chiches, et aucun agent n'avait fait vœu de pauvreté.
    Gagnon jugea utile de mettre leur patience à l'épreuve. Il s'absorba dans la rédaction de son rapport sur les interrogatoires de la veille, tout en levant de temps en temps les yeux sur ses deux lascars. A dix heures seulement il fit signe à l'un d'eux, Joseph, de venir à son bureau. Il recommença ses questions, toujours les mêmes :
    —    Où étiez-vous le samedi 3 juillet?
    —    En dehors de la ville. Avec mon frère je faisais des livraisons.
    —    Des livraisons de quoi ?
    —    Ça, je ne sais pas. Nous déplaçons des boîtes, c'est tout.
    Ovide leur avait fait la leçon, leur disant comment répondre. Cet homme répétait sans hésitation des phrases convenues.
    —    Où vous trouviez-vous ?
    —    Saint-Georges de Beauce, Beauceville, Lac-Mégantic.
    —    Et vous avez été absents toute la journée de samedi ?
    —    Oui. Nous sommes partis la veille, vendredi au petit matin, et nous sommes revenus à Québec seulement jeudi dernier.
    L'homme croisa les jambes, se cala sur sa chaise. Son visage trahissait son ennui, mais aucune crainte.
    —    Vous pouvez donner les noms des personnes rencontrées pendant votre tournée ?
    —    C'est personnel, vous savez, les noms des clients. C'étaient des personnes importantes. Le genre qui n'aiment pas se faire embêter par les petites «polices». D'habitude, ils donnent plutôt des ordres aux «polices».
    Gagnon insista bien un peu pour savoir les noms de ces clients, mais l'autre reprit la même explication, en d'autres mots. Il insistait surtout pour souligner qu'il travaillait pour des gens importants, trop importants pour les nommer en ces lieux, et surtout trop importants pour que Gagnon ose aller les importuner. Il fut tout aussi évasif quand il lui demanda où ils avaient couché toutes ces nuits :
    —    Dans le camion, dit-il, dans des cabanes construites dans les bois.
    Bref, il ne lui donna aucun nom d'individus capables de confirmer leur absence de Québec. Cela pouvait signifier qu'ils n'avaient pas quitté la ville, ou témoigner de la résolution de Joseph Germain de demeurer discret sur l'identité de ses partenaires commerciaux.
    —    Et Blanche, enchaîna Gagnon, il y a longtemps que vous l'avez vue ?
    —    Peut-être trois semaines, à Stadacona.
    —    Savez-vous que, même si c'était votre sœur, c'était quand même un crime de la violer? risqua le policier.
    —    D'abord, il s'agissait seulement de notre sœur adoptive. En fait, c'était notre cousine. On ne l'a jamais touchée. Vous croyez que mes

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