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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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petit camion Ford se trouvait devant la porte.
    Il frappa, faiblement d'abord, puis de plus en plus fort. Il vit la feuille de journal de la fenêtre la plus proche se soulever un peu, puis il entendit tirer les trois verrous de la porte. Elle s'ouvrit, lui permettant de voir un véritable capharnaüm. Il y avait là des caisses en grand nombre, plusieurs boîtes en carton aussi, pas très grosses, celles où on pouvait mettre huit, le plus souvent douze bouteilles d'alcool. La présence de quelques fauteuils défoncés, d'une table branlante, de quelques chaises et d'un poêle témoignait que l'endroit servait aussi de logis. Des assiettes contenant des vestiges de repas - certains visiblement vieux de quelques jours - sur la table, mais aussi sur des caisses, ne laissaient aucun doute là-dessus. L'endroit d'une saleté repoussante dégageait une odeur de nourriture avariée, de vomissures et d'excréments. De grosses trappes avaient été posées çà et là sur le plancher fait de madriers grossièrement équarris. L'une avait même fait une victime: un rat d'assez jolie taille.
    —    C'est joli chez vous, dit Gagnon à l'homme venu lui ouvrir la porte. Il manque peut-être une présence féminine, pour ajouter un peu de chaleur, de couleur dans ces lieux.
    Il avait fait quelques pas dans l'entrepôt, regardant autour de lui. «Je peux les boucler pour possession d'alcool, car ces boîtes ne viennent pas de la Commission, réfléchit-il, et je ne serais pas surpris si ces caisses contenaient des marchandises volées. »
    —    Qui êtes-vous, et qu'est-ce que vous voulez ? demanda son hôte, hargneux.
    —    Lieutenant Maurice Gagnon, de la Police municipale.
    —    Nous connaissons pas mal de monde, dans la police, mes frères et moi. Au conseil municipal aussi, tout comme chez les députés, nous avons des amis. Nous sommes en quelque sorte protégés.
    —    Mieux protégés sûrement que votre sœur Blanche ne l'était, répondit Gagnon en examinant de la tête aux pieds son interlocuteur. Vous êtes lequel des trois frères ?
    L'homme portait un complet noir. Il avait une vilaine peau, sans doute un souvenir d'une acné juvénile purulente, et le visage marqué de cicatrices. On voyait surtout les marques d'une bagarre récente: la lèvre inférieure fendue sous une grosse gale de sang coagulé noirâtre et surtout les deux yeux au beurre noir. À l'enflure et aux os un peu de travers, on devinait que son nez avait absorbé le choc.
    —    Ovide, fit-il après un moment d'hésitation.
    —    J'aimerais savoir ce que vous faisiez samedi dernier, le 3. Et aussi les jours qui ont suivi.
    —    Je me souviens bien de ce samedi: j'ai attrapé un coup sur le nez, répondit-il.
    L'homme glissa entre ses dents d'une voix à peine audible :
    —    Le petit merdeux qui a fait ça, si je lui mets la main dessus...
    Il enchaîna un ton plus haut:
    —    Après, je suis resté ici à me soigner. Ce n'est pas bon pour ma réputation, me promener dans les rues arrangé comme ça.
    —    Où cela vous est-il arrivé ?
    —    Dans un bordel. Au Chat, si vous devez tout savoir. Mais ne craignez rien pour le salut de mon âme, j'étais là pour affaires, pas comme client.
    Il allait vérifier, bien sûr, mais Gagnon devinait que c'était vrai. Il avait entendu ses collègues parler d'une bagarre au Chat. Ovide Germain préférait l'évoquer sans hésiter: il devait y avoir de nombreux témoins. Cela lui fournirait-il un alibi ?
    —    C'est arrivé vers quelle heure ?
    —    Je ne sais pas trop. En fin d'après-midi, en tout cas, car la place commençait tout juste à se remplir de clients.
    A peu près au moment où Germaine Caron avait quitté Blanche, donc. Etait-il possible que ce voyou se soit précipité pour enlever la jeune femme avec son nez cassé ? A en juger par les marques encore visibles, le coup avait été sévère, mais ce gaillard ne devait pas être resté longtemps sur le carreau. Selon l'hypothèse du docteur Grégoire, la jeune fille avait été tuée aussi tard que le mardi, peut-être même le mercredi. Blanche pouvait-elle avoir séjourné quelques jours dans ce hangar, de gré ou de force ? L'endroit était discret et il devait posséder un certain nombre de recoins fermés à clé.
    —    Quand avez-vous vu Blanche pour la dernière fois ? dit le policier.
    —    Il y a sûrement trois bonnes semaines, quand je suis allé voir les

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