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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ensuite si l'on peut aller plus loin.
    Au regard de la question du meurtre, son intime conviction n'était pas une preuve, le lieutenant devait en convenir. Un peu dépité, il déclara :
    —    Mais ils ont aussi violé Marie-Madeleine. On peut les avoir avec cela.
    —    Elle a porté plainte ?
    Non seulement Marie-Madeleine n'avait jamais porté plainte, mais cette femme n'avait même pas confirmé les accusations formulées par Gagnon. Il commençait à être sérieusement déprimé au moment de répondre :
    —    Non, elle n'a pas porté plainte. Je vais aller la voir demain et essayer de la convaincre.
    Sa voix trahissait si bien son découragement que le chef Ryan se leva, fit le tour de son bureau et vint lui poser la main sur l'épaule.
    —    Rentre à la maison tout de suite et repose-toi. Demain, tu essaieras encore. Moi, je m'occupe du mandat de perquisition.
    Sa voix se fit presque paternelle quand il ajouta :
    —    Tu as effectué un excellent travail. Tu sais, nous ne sommes pas toujours capables d'aller jusqu'au bout, même après avoir trouvé les coupables. Il faut prouver hors de tout doute.
    Gagnon acquiesça, fit un effort pour retrouver un semblant d'entrain et sortit. Sa femme allait être surprise de le voir de si bonne heure
    Il n'eut pas sitôt fermé la porte derrière lui que Ryan se mit au travail. Il ne lui fallut que quinze minutes pour jeter quelques notes sur une feuille, au sujet du mandat de perquisition. Il la donna à un secrétaire qui s'occuperait de dactylographier le tout et de faire acheminer la demande au palais de justice. Puis il se mit à la machine à écrire qui trônait dans un coin de son bureau et entreprit, avec ses deux index, de faire une copie du rapport de Gagnon. Cela lui prit un peu plus d'une heure. Quand il eut fini, il tapa encore une courte lettre. Il mit ensemble les deux documents dans une enveloppe, qu'il cacheta soigneusement. Il prit même la précaution de signer en travers du rebord, et d'ajouter un gros «confidentiel» sur l'enveloppe.
    Cela fait, il sortit de son bureau pour chercher un policier en vêtements civils, discret, sur qui il pouvait absolument compter. Il trouva son homme et lui confia la précieuse enveloppe en lui murmurant à l'oreille le nom et l'adresse du destinataire.
    Antoine Trudel retournait l'enveloppe dans ses mains. Il apprécia la discrétion de Ryan : elle ne portait aucun nom de destinataire, et le policier en civil avait insisté pour la lui remettre en main propre plutôt que de la confier à un dômes tique. Il devrait penser à dire un bon mot au maire au sujet ( lice fonctionnaire zélé. Il appréciait surtout que celui-ci agisse de sa propre initiative, sans attendre les ordres. Il pourrait rejeter sur lui toute la faute si jamais les choses se gâtaient.
    Il déchira le rebord de l'enveloppe et commença par lire la lettre qui, apprécia-t-il de nouveau, ne portait ni nom ni signature :
    Monsieur,
    Le lieutenant Gagnon a trouvé les auteurs probables du meurtre de Blanche Girard. Ce sont de petits contrebandiers d’alcool; ses demi-frères en fait. J'ai cru que vous apprécieriez recevoir une copie de son rapport.
    Votre tout dévoué,
    [...]
    Trudel parcourut des yeux le rapport de Gagnon. Le tout se révélait bien construit, plausible. Il ne se soucia pas vrai me ni que des innocents puissent être poursuivis pour ce crime. D'abord, ces personnes n'étaient pas vraiment innocentes. L'inceste n'était pas le crime le moins sévèrement puni du Code criminel, loin de là. Et même si on n'arrivait jamais à les amener devant un tribunal, la rumeur publique désignerait en eux des coupables bien plausibles. Elle n'en chercherait plus d'autres. Même condamnées à l'échec, des poursuites devant une cour de justice se révéleraient fort utiles.
    Oui, somme toute, c'était une assez bonne nouvelle. Il se pencha devant le foyer de son bureau, alluma un coin de l'enveloppe et des quelques feuilles. Après quelques minutes, il ne subsistait aucune trace de ces mots.
    Mercredi matin. Gagnon était un peu rasséréné. D'abord, il avait dormi d'un bon sommeil, chose plutôt rare depuis quelques mois.
    Mais, surtout, il avait vu des équipes de policiers quitter le poste pour aller fouiller la maison de Stadacona et l'entrepôt du quartier Saint-Sauveur. Son humeur changea du tout au tout quand il se résolut à retourner chez Marie-Madeleine Marion. Il repassait dans sa tête ses arguments,

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