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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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insistant surtout sur son devoir d'aider à punir les meurtriers de sa sœur, la seule vraie famille qui lui restait. Il doutait cependant de pouvoir la convaincre avec de pareils arguments.
    Dans la rue de la Reine, presque devant le numéro 98, il vit un camion Ford, celui des frères Germain. Ils avaient dû venir au moment où les policiers avaient forcé leur porte, une demi-heure plus tôt. Ces truands n'étaient sûrement pas là pour échanger des politesses. Gagnon se dirigea vers l'arrière-cour en regrettant de ne pas avoir d'arme sur lui. Il trouvait son revolver de service plutôt encombrant, et tout à fait inutile la plupart du temps.
    En approchant de la masure, des cris parvinrent à ses oreilles. A deux pas de la porte, il put entendre distinctement Ovide Germain crier :
    — Si tu dis un mot aux chiens, il va t'arriver la même chose qu'à Blanche. Tu as compris ?
    Le bruit de grandes gifles succéda à ces paroles. Quand Gagnon poussa rudement la porte, ce fut pour apercevoir, sur la table, Marie-Madeleine couchée sur le dos. Ovide se tenait entre ses jambes écartées, le pantalon aux genoux. Il avait déchiré sa robe et il lui donnait des claques pour la soumettre à sa volonté.
    «Mon Dieu, se dit Gagnon, il s'apprête à la violer.»
    L'irruption du policier jeta tout le monde dans une immobilité complète. Joseph et Hector Germain se tenaient près de la porte. Ils le regardaient comme une apparition divine. Ovide lança une volée de jurons. Pendant un moment, le policier se demanda s'ils n'allaient pas lui faire éclater la tête. Eux aussi se posaient la même question. Puis, comme à un signal invisible, ils se précipitèrent vers la porte, bousculant Gagnon au passage. Celui-ci se retrouva sur le dos au milieu de la cuisine. Il n'essaya pas de les retenir, ou de courir après eux. Seul et désarmé, il n'était pas de taille.
    Quand il se releva, un sourire flottait sur ses lèvres. Il les aurait, les mandats d'amener! Marie-Madeleine Marion s'était redressée. Elle saignait du nez, avait les deux lèvres fendues et enflées. La malheureuse sanglotait et cherchait des yeux ses marmots, qu'elle entendait geindre dans une pièce voisine. Gagnon essaya de la calmer, répétant:
    —    Vous allez témoigner contre eux! Il faut les punir pour tout le mal qu'ils vous ont fait, à vous et à votre sœur !
    Elle ne répondait rien. Comprenait-elle au moins ses paroles ? Rien n'était moins certain. Comme ses sanglots se faisaient de plus en plus déchirants à mesure qu'il parlait, l'homme finit par se taire, et partir.
    Il s'empressa de se diriger vers le poste de police. Avec des accusations de coups et blessures et de menaces de mort - la promesse de lui faire la même chose qu'à Blanche -, il les ferait mettre en prison.
    Avant de quitter l'Angleterre, Renaud avait envoyé une lettre polie au recteur de l'Université Laval, accompagnée d'une copie de son curriculum vitæ et de ses diplômes. Le recteur examinait le tout de nouveau.
    —    Très impressionnant, commenta le prélat. Vous avez un doctorat en droit de l'Université d'Oxford.
    —    Oui, monseigneur, fit Renaud d'une voix modeste.
    Il ne se sentait pourtant pas du tout modeste à ce propos. Il pouvait bien être le seul Canadien français à détenir un diplôme de ce niveau de cette prestigieuse université. Il était parti en 1914 pour faire un premier cycle, s'était pris au jeu des études, les étirant jusqu'en 1921, 1922 s'il comptait les derniers délais relatifs à sa thèse.
    Renaud était un familier de l'Université Laval, car il s'agissait d'une excroissance du Séminaire de Québec. On l'avait créée dans les années 1850, quand le diocèse s'était trouvé suffisamment riche pour relever le défi. L'Eglise catholique du Québec avait ressenti l'impérieux besoin de former elle-même les élites de langue française, de peur de les voir contaminées par toutes les idées politiques et sociales nouvelles de cette période.
    Depuis, l'Université Laval, logée dans un édifice voisin du Séminaire, voyait toujours à leur formation. Elle produisait une fournée annuelle de prêtres, bien sûr, pour encadrer la population, puis des avocats, des médecins, des notaires. Poussée par la force des choses, il lui fallait aussi, pendant cette décennie de progrès, faire de la place pour de nouveaux professionnels. Des écoles de commerce, de chimie, de foresterie voyaient le jour. Des écoles, pas des

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