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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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facultés de plein droit : ces nouvelles disciplines n'apparaissaient pas comme assez respectables pour cela. Elles préparaient des employés - qualifiés et bien payés, il est vrai, mais des employés tout de même -, pas des prêtres ou des membres des professions libérales.
    L'Eglise gardait la main haute sur l'institution. Elle fournissait d'abord le recteur, tout le personnel enseignant de la faculté de théologie - cet effectif de prêtres venait d'ailleurs habituellement du Séminaire, où il avait fait ses premières armes dans l'enseignement -, la plupart des doyens des facultés. Les enseignants laïques se trouvaient dans les domaines où l'évêché ne pouvait fournir de spécialistes. Un avocat prestigieux, un médecin renommé venait donner un cours à l'université, puis retrouvait ensuite sa pratique privée. Il ne se faisait pas ou peu de recherche. C'était un emploi faiblement rémunéré, mais prestigieux, que Daigle venait quémander.
    — Vous venez tout juste de revenir d'Angleterre ? demanda le recteur, Mgr Louis-Marie Neuville.
    C'était un homme affable, souriant, dans la jeune quarantaine. Il portait sur le milieu du nez des lunettes à monture en écaille de tortue.
    On    le    disait    terriblement    ambitieux
    Daigle le connaissait pour l'avoir subi comme professeur en classe de philosophie, au Séminaire, il y avait douzaine d'années -, il était sûrement habile et intelligent. Sa question était toute rhétorique, l'ecclésiastique savait où Renaud était un mois plus tôt, il contemplait sa lettre sur son bureau. Mais il voulait l'entendre parler de ses projets. Le candidat s'exécuta :
    —    J'ai travaillé quelques années pour le Haut-Commissariat à Londres. Quand mon père est décédé il y a quelques semaines, j'ai décidé de revenir. De reprendre ses affaires, en quelque sorte.
    —    Mais votre père était notaire, vous êtes un spécialiste du droit constitutionnel.
    —    Son étude ne l'occupait plus guère : elle avait été reprise par ses associés dès 1918. Il ne se consacrait plus qu'aux placements. Ce sont là les affaires auxquelles je faisais allusion.
    Le prélat acquiesça d'un signe de tête, puis remarqua encore :
    —    Si ce que l'on m'a dit est vrai, vous jouissez en effet de quelques moyens.
    —    J'ai cette chance.
    Renaud se demanda si son interlocuteur allait lui en faire reproche.
    —    Les honoraires que nous payons à nos professeurs laïques ne permettent pas le train de vie auquel vous êtes habitué.
    Mgr Neuville voulait dire un train de vie bourgeois : habiter la Haute-Ville au milieu de gens très respectables, être à l'abri du besoin. Renaud fit un signe de tête pour indiquer qu'il comprenait bien cela. Au Québec, il valait mieux être riche avant d'entrer dans l'enseignement, car les chances de le devenir en exerçant cette activité étaient nulles. Les questions financières ne risquaient pas de faire obstacle à son embauche. Sans surprise, il entendit Neuville rappeler :
    —    Quand je vous ai eu dans ma classe de philosophie, vous étiez un excellent élève. Je me souviens aussi que déjà vous aviez un intérêt pour les livres présentant un certain danger. Le genre d'ouvrages à ne pas mettre entre les mains de tous les séminaristes.
    Le souvenir de ces années amena un sourire sur le visage du candidat. Le recteur conserva tout son sérieux au moment de continuer :
    —    Nous avons fait preuve d'une certaine tolérance, mes collègues et moi, car nous reconnaissions chez vous une grande maturité. Je me suis permis de chercher parmi les travaux que vous m'avez remis à l'époque.
    L'homme d'Eglise avait sorti d'une chemise trois ou quatre cahiers d'écolier jaunis par le temps. Renaud aurait aimé les récupérer afin de plonger dans la prose produite à dix-huit ans. Si jamais les relations avec ce prélat devenaient empreintes de cordialité, une éventualité qui lui semblait lointaine à ce moment, il tenterait sa chance.
    —    Il s'y trouvait des idées déjà fort audacieuses, continuait-il. Pas condamnables, certes, mais audacieuses.
    —J'avais déjà un penchant pour la spéculation intellectuelle, expliqua Daigle, comme en s'excusant.
    —    Sans doute. Ce penchant vous a vraisemblablement permis de mener de très longues études, avec un succès remarquable.
    Ces mots contenaient un reproche implicite. Etre trop savant rendait suspect.
    —

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