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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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ses cartes professionnelles lui vaudrait sans doute quelques engagements. Ce cours, ce serait de la réclame, en quelque sorte.
    Il en était là dans ses réflexions en rentrant chez lui à pied. Il s'était fait violence et avait décidé de ne pas prendre l'auto pour se rendre à l'université. Devant l'hôtel du Parlement, il entendit un «Daigle» sonore derrière lui. Il se retourna pour voir un gros homme joufflu essayer de courir dans sa direction. Essayer seulement, car il n'était pas du genre à se livrer à un exercice physique pendant plus de dix secondes consécutives. C'est donc en marchant qu'il parcourut les vingt derniers mètres le séparant du jeune homme. Il lui tendit la main, disant:
    —    Oui, c'est bien toi. Il y a pourtant longtemps, plus de dix ans, mais tu n'as pas vraiment changé.
    Daigle serra la main tendue, sans le reconnaître. L'autre le constata tout de suite, et dit, plutôt amusé :
    —    Tu ne me replaces pas ? Rappelle-toi les personnes qui venaient à la maison de la rue Saint-Cyrille.
    Daigle essayait justement de mettre des noms sur les visages des visiteurs familiers. Puis cela lui revint:
    —    Bégin. Monsieur Armand Bégin. Quelle bonne surprise !
    Elle n'était pas si bonne, mais cela fit plaisir au vieil homme. Il devait bien avoir passé soixante ans maintenant. Il ajouta, pour montrer qu'il demeurait toujours un garçon bien élevé :
    —    J'espère que vous et votre famille allez bien.
    —    Oui, oui, très bien. Tu dois te souvenir de mes filles. Trop tard maintenant, elles sont mariées toutes les deux, et elles m'ont fait grand-père. Tu as trop tardé dans les vieux pays. Il ne reste que Michel à la maison.
    Douze ans plus tôt, ses parents lui parlaient souvent en termes très élogieux d'Alice Bégin. Ils espéraient que leur seul fils unisse par un mariage les destinées de ces deux familles alliées en affaires. Mais Renaud gardait un bien vague souvenir de la jeune fille.
    —    Tu n'as pas changé, répétait l'autre. Non, ce n'est pas cela. Tu ressembles tellement à ton père, quand il était jeune.
    Armand Bégin laissait la nostalgie s'emparer de lui. A son âge, il passait maintenant le plus clair de ses journées à ressasser son passé. La perte de son meilleur ami, au début de l'été, l'avait fait vieillir d'un coup. Il précisa, ému :
    —    J'étais là, tu sais, aux derniers moments. Il a connu une telle solitude, toutes ces années.
    Bégin se ressaisit bientôt, prit Renaud par le bras et lui lit faire demi-tour.
    —    Allons manger. Il est encore tôt, mais cela ne fait rien. On bavardera en attendant.
    Renaud ne se sentait pas soulevé d'enthousiasme à cette idée. D'un autre côté, en revenant à Québec, il acceptait de renouer avec sa vie passée. Le vieil homme avait été placé sur sa route par hasard. Ce serait largement par son intermédiaire que les retrouvailles allaient avoir lieu. L'autre s'accrochait à son bras, il ne le laisserait plus partir.
    Tous les deux marchèrent quelques centaines de mètres pour revenir vers le Château Frontenac. Daigle se trouva bientôt à une table de la salle à manger, devant un apéritif. Ils étaient les seuls clients, à cette heure.
    —    Tu es resté parti tellement longtemps, cela ressemble à un exil. Tu aurais dû revenir quand tu as été blessé, quitte à aller finir tes études au Canada anglais, ou même aux Etats-Unis, si l'Université Laval ne te convenait pas.
    —    Mon père m'avait expressément défendu de revenir, fit Renaud plutôt froidement.
    —    Je m'excuse si j'ai Pair de te faire des reproches. Je sais bien qu'il t'a écrit de ne pas revenir avant la fin de la guerre. Tous les jours, dans les journaux d'ici, il était question des damnés U-boats allemands qui coulaient impunément les navires alliés. Ces nouvelles l'inquiétaient tellement.
    Le vieil homme s'interrompit, un peu perdu dans ses souvenirs. Il renifla bruyamment avant de reprendre :
    —    Quand tu as été blessé, et qu'ici on a commencé à réaliser toute l'horreur des tranchées, il a été bouleversé. Haegédius affirmait que tu avais épuisé ta réserve de chance. Il tenait pour acquis que, si tu risquais encore ta vie pour la traversée, tu allais mourir. Dans son esprit, c'était mathématique : chacun avait une part de chance, tu avais gaspillé la tienne sur les champs de bataille. Il avait de drôles d'idées...
    Son jeune

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