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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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disparition, ni les jours suivants, évidemment.
    —    Je n'ai aucune idée du cours de ces tristes événements, mais moi, John Grâce, insista-t-il, je n'ai absolument rien à me reprocher.
    À la fin de son témoignage, qui avait pris la forme d'un long monologue, tout le monde dans la salle en convenait: ce jeune homme timide, infirme, sanglé dans un habit de confection bleu foncé, ne pouvait évidemment pas avoir commis un acte aussi horrible. Comme des rumeurs circulaient sur son compte, Lavigerie avait obtenu du coroner qu'il puisse ainsi venir se justifier.
    La journée se termina tôt, par la déposition de Germaine Caron. Daigle apprécia sa beauté tranquille. Etant la seule femme appelée à témoigner, on avait eu la gentillesse de la faire venir en dernier pour déranger le moins possible sa journée de travail. De toute façon, elle n'avait pas grand-chose à déclarer. Elle décrivit le caractère vertueux de Blanche de façon à la fois moins emphatique et plus crédible que le curé. Elle confirma qu'elle n'avait pas d'ami de garçon. Comme elle était la meilleure amie de Blanche, qu'elle la voyait à peu près tous les jours, elle était plutôt certaine de son affirmation.
    Surtout, elle put décrire sa dernière rencontre avec la victime, le samedi 3 juillet en fin d'après-midi. Elle raconta par le détail ce dont elles avaient discuté alors : leur journée au magasin, les activités de la chorale. Elle précisa qu'elles s'étaient quittées en se disant «A demain». Ce détail émut beaucoup l'assistance : on était peu de chose, les projets des humains comptaient pour rien face à la volonté de Dieu, etc. Il y avait là matière à quelques pensées pieuses. Le coroner lui demanda encore si elle avait remarqué quoi que ce soit de particulier chez la jeune fille, une nervosité, une inquiétude suspecte, un inconnu qui l'aurait surveillée à distance, n'importe quoi.
    — Non, fit-elle, tout était exactement comme d'habitude.
    Après un préambule résumant un peu la journée, le coroner n'eut aucun mal à conclure que «Blanche Girard avait été assassinée lâchement par un ou des inconnus». C'était la formule consacrée. Il souhaita même que la police puisse bientôt amener les coupables devant les tribunaux.
    —    Pour qu'ils reçoivent un châtiment à la mesure de leur crime affreux...
    La salle se vida lentement, comme si chacun s'attendait à une révélation de dernière minute. Parce qu'il avait eu le privilège de rentrer parmi les premiers pour regagner les chaises réservées aux avocats, Daigle fut l'un des derniers à sortir. Il se retrouva coude à coude avec Germaine Caron. Pour meubler le silence, en quelque sorte, il lui murmura :
    —    Quelle expérience affreuse.
    S'il faisait allusion aux traitements infligés à la victime, c'était dramatiquement en dessous de la vérité. Il ajouta en rougissant un peu :
    —    Je veux dire, venir ici afin de raconter votre dernière rencontre. Cela a dû être très difficile.
    Il ne faisait pas preuve du plus grand tact. Germaine Caron, déjà impressionnée d'être en ces lieux, replongée dans toute l'horreur des derniers événements, fit la seule chose qu'elle pouvait faire dans les circonstances: elle pleura.
    Daigle chercha un mouchoir dans ses poches, essaya de se rappeler s'il était d'une propreté irréprochable avant de se décider à le lui donner. Elle essayait de se déplacer pour être un peu à l'écart, lui l'accompagnait pour s'excuser. Trois minutes plus tard, ils étaient seuls dans la salle, et elle retrouvait son calme tout en se tamponnant les yeux.
    —    Je m'excuse, put-il enfin dire avec son petit sourire timide. Parfois, je parle trop.
    Elle le vit rougir, se mordre la lèvre inférieure, et le trouva charmant pour la première fois.
    —    Ne vous excusez pas, fit-elle. Je suis plutôt dépaysée par tout cela et encore bouleversée par ce qui est arrivé.
    Ils se dirigèrent ensemble vers la sortie. Elle cherchait comment enchaîner, ce qui lui donnait un air absent. Lui songea qu'elle devait encore être sous le coup de l'émotion.
    Dans les circonstances, ce ne serait pas gentil de la laisser là toute seule :
    —    Ecoutez, si vous n'avez pas mieux à faire, j'aimerais vous inviter à prendre une bouchée. J'ai à peine eu le temps de manger ce midi, et je ne voudrais pas vous laisser l'impression que je suis toujours aussi maladroit.
    Non, elle n'avait pas

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