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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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complète. Au contraire, ses clients avaient passé la fin de semaine à ronfler. Ils semblaient considérer la prison comme une occasion de récupérer des fatigues reliées à leur mode de vie turbulent.
    Dans une aile de l'hôtel de ville voisine de celle où se trouvait le poste de police, Gagnon put rencontrer une travailleuse sociale sèche et pincée. Elle était allée visiter Marie-Madeleine Marion, à sa demande.
    —    Ses enfants sont très mal en point, commença-t-elle par indiquer. J'ai même obtenu que l'un d'eux soit admis à l'hôpital. Je ne suis pas sûre de le voir s'en sortir. En plus, elle est encore enceinte.
    Visiblement, quoique employée à la défense de la morale bourgeoise, elle ne se sentait guère encline à appuyer la campagne pour la «revanche des berceaux». Elle savait sans doute compter et était capable de mesurer l'hécatombe qui frappait les enfants de certains quartiers de la ville.
    —    Pourra-t-elle porter plainte, au sujet des sévices que ses frères lui ont fait subir ?
    —    Elle ne veut absolument pas parler de cela, même avec moi. Je ne crois pas utile d'insister. A mon avis, elle ne changera pas d'attitude. Elle est terrorisée...
    L'employée s'interrompit devant la mine troublée de son interlocuteur. Elle continua après un instant :
    —    Même si elle portait plainte, elle ne pourrait pas témoigner. Vous savez, elle n'a pas toute sa tête. Un avocat de la défense en ferait une bouchée.
    —    Cela veut dire qu'ils risquent de s'en tirer impunément.
    —    Dans ce genre d'affaire, la majorité des criminels ne sont jamais poursuivis. Ils choisissent justement leurs victimes parmi les personnes qui ne présentent aucune menace pour eux.
    Elle partageait les frustrations du lieutenant de police. Celui-ci hocha la tête, puis retourna à son bureau, dépité. Grâce aux interventions des services sociaux, le mari de cette pauvresse assumerait peut-être mieux ses responsabilités, désormais. Sinon, elle recevrait une aide plus régulière qu'un panier de nourriture occasionnel de la Société Saint-Vincent-de-Paul. C'était une bien mince consolation.
    De retour dans ses quartiers, Gagnon dut subir une déception encore plus vive. Le chef Ryan le convoqua immédiatement à son bureau. Thomas Lavigerie se trouvait déjà là. Il agissait, apprit-il au policier, à titre de procureur des frères Germain. Après avoir demandé et obtenu la permission de s'entretenir avec eux ce matin, l'avocat croyait de son devoir de demander la libération immédiate de ses clients, car ils étaient innocents des crimes dont on les soupçonnait.
    —    Ils m'ont donné les noms de personnes qui étaient avec eux dans la région du lac Mégantic. Ils n'étaient pas les seuls impliqués dans leur petite opération commerciale.
    —    C'est ce qu'ils racontent depuis la semaine dernière, rétorqua Gagnon, mais ils refusent de préciser qui ils ont côtoyé. Cela ne vaut rien, comme alibi.
    —    Cette fois, ils ont donné des noms. Je leur ai fait comprendre que, dans une histoire de meurtre, la nécessité d'établir leurs allées et venues passait avant la discrétion qu'ils devaient à des complices.
    En disant cela, Lavigerie tendit une feuille au policier. Ryan en avait une identique devant lui. C'était une liste d'une demi-douzaine de patronymes. Il y avait là des personnes qui lui étaient connues, des criminels mêlés au commerce de l'alcool et aussi deux noms d'hommes d'affaires plutôt respectables. C'étaient les propriétaires d'une ferme près de la frontière.
    —    Bien sûr, aucune de ces personnes n'est prête à vous confesser qu'elle se livrait à la contrebande. Mais si le bureau du procureur général décidait de procéder contre mes clients sur la base des preuves entre vos mains, c'est-à-dire aucune, elles viendraient vous dire que deux des frères Germain se trouvaient en dehors de Québec au moment de la disparition de la victime.
    —    J'ai parlé il y a quelques minutes à l'une de ces personnes, intervint Ryan pour le bénéfice du lieutenant. Au téléphone, le type m'a laissé entendre que les choses se passeraient comme vient de le dire maître Lavigerie.
    L'avocat s'était levé:
    —    J'engagerai des procédures si mes clients ne sont pas libérés aujourd'hui. Comme vous n'êtes pas en mesure de porter des accusations contre eux, vous les retenez en violation de la loi.
    Il adressa un

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