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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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orpheline qu'elle fût, cette gamine constituait un bon parti. Elle apportait le généreux héritage de ses parents; enfant unique, elle ne le partagerait pas. Puis elle comptait de nombreux alliés chez les personnes les plus respectables de Montréal, tant chez les Canadiens français que chez les Irlandais catholiques. Ces considérations n'étaient pas négligeables, compte tenu de ses ambitions.
    Puis la jeune fille lui semblait tout à fait délicieuse.
    Cependant, ces dernières semaines, tout comme dans le cas de l'alcool et de l'opium, son intérêt pour les femmes demeurait bien bas. Cela ne durerait pas éternellement, la nécessité d'un mariage bourgeois et l'appel des sens reprendraient le dessus. Il ne voyait même pas de difficulté à satisfaire les deux besoins avec la même femme, même si ce n'était pas une absolue nécessité dans son milieu.
    De l'eau jusqu'au ventre, elle lui dit:
    — Je suis déçue que vous ayez décidé de rester à La Malbaie cette semaine encore. J'aurais fait le trajet avec vous.
    Après avoir passé plusieurs jours dans la même maison, elle le vouvoyait encore, car leur relation n'avait pas pris pour autant un caractère privé. Elle était pour lui quelque chose d'aussi vague qu'une «amie de la famille». Ni parente ni fiancée, encore moins amante, ni même la sœur d'un meilleur ami : toutes des caractéristiques qui lui auraient permis d'utiliser le «tu». En fait, leurs mères à tous les deux avaient été de grandes amies, et madame Trudel se sentait une vague responsabilité envers la jeune fille restée seule au monde. Mais, élevés dans les villes de Montréal et Québec, les enfants McPhail et
    Trudel ne s'étaient pas retrouvés ensemble dans des réceptions familiales ou amicales.
    —    Je suis certain que Daigle ne voit aucun inconvénient à vous prendre avec lui, répondit Henri après un moment.
    —    Vous savez bien que ce n'est pas ce que je veux dire.
    Comment aller plus loin pour témoigner son intérêt au jeune
    homme? L'autoriser à demander à sa vieille tante de Québec la permission de venir la voir à la maison serait trop audacieux, sinon ridicule. Son compagnon devait d'abord en exprimer le désir. Et surtout, dans les milieux de langue anglaise qu'elle fréquentait à Montréal, plus émancipés, l'habitude de se rendre au domicile de la jeune fille disparaissait au profit des sorties: le jeune homme proposait une activité. On passait du calling au dating, de la visite au domicile de la demoiselle à la sortie avec elle, au grand désarroi des parents. Elle avait espéré, en fait, voir Henri profiter du long trajet jusqu'à Québec aujourd'hui pour lui proposer une date...
    —    Je ne vais pas plus loin, déclara-t-elle au jeune homme.
    Devant de pareilles ouvertures, Henri ne sut que répondre. Elle ajouta rapidement pour lever l'ambiguïté :
    —    L'eau est trop froide. Je retourne au bord.
    Son compagnon prit cela pour une autorisation et plongea dans les flots glacés. Quand il refit surface, il continua vers le large d'une brasse régulière. Quant à Helen, elle revint vers le rivage. Elle avait encore de l'eau jusqu'aux genoux au moment d'appeler:
    —    Monsieur Daigle !
    Elle lui fit signe de venir la rejoindre. Il s'excusa auprès d'Elise et marcha vers le fleuve. Comme elle restait dans l'eau, il s'assit sur l'une des nombreuses barques retournées la coque en l'air sur la plage, s'aventurant aussi près des flots que possible sans ruiner ses chaussures.
    —    Je me sens un peu mal à l'aise d'avoir demandé à madame Trudel de vous recruter ainsi. Surtout que c'est un caprice de ma part: il y a un train pour Québec cet après-midi.
    —    Ce n'est rien, vraiment. Je rentre de toute façon. Je serai heureux d'avoir de la compagnie.
    —    Vous ne regrettez pas d'être privé de baignade ? enchaîna-t-elle, la première question réglée. L'eau est bonne.
    —    Pas du tout. Vous semblez tout à fait gelée.
    A trois mètres de distance, il voyait la chair de poule sur le bout de cuisse laissé à découvert et sur les bras. Surtout, sous le tricot du maillot, les pointes des seins raidies de froid se révélaient sans pudeur. Plus bas, sous le vêtement mouille, le petit creux du nombril devenait perceptible. Plus bas encore il devinait le coussinet formé par les poils du pubis... C'était tout à fait ridicule, mais il se sentait devenir amoureux de cette gamine. Elle faisait

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