Haute-Ville, Basse-Ville
si gai, avec ses cheveux courts bouclés, son grand sourire.
Helen lança un petit cri, sortit de l'eau en tenant son mollet gauche, disant tout en riant :
— Vous avez raison, c'est très froid. J'ai une crampe à la jambe.
Elle enchaîna avec quelques «Aie ! Aie ! » et vint s'asseoir près de lui. Elle se massait furieusement le mollet. Gentilhomme, Renaud vint s'agenouiller à ses pieds. Il prit sa jambe et entreprit de la frictionner. Après un instant, gêné de son audace, Renaud se figea. Amusée, elle le regardait à ses genoux.
— Je m'excuse, fit-il en lâchant la jambe.
Penaud, il se fit professeur pour cacher son malaise :
— Il faut de la chaleur pour détendre les muscles.
Elle reprit son automassage alors qu'il se relevait, rougissant.
De loin, Elise les observait. Cette Helen avait toutes les audaces, dont celle d'amener Daigle à ses pieds. La veille, l'homme ne la connaissait même pas. La jeune femme regrettait maintenant de ne pas avoir pris son maillot aussi. Toute vierge qu'elle fût, elle pouvait offrir mieux que ce fruit vert. Ou était-ce justement la verdeur des appas de Helen qui attirait tellement l'attention ?
Bientôt, la jeune Irlandaise se mit en quête de sa serviette et se dirigea vers les cabines. Renaud revint vers Elise, mais la conversation ne reprit pas vraiment. Son interlocutrice avait maintenant hâte de rentrer à la maison. Au bout d'un moment, Helen fut de retour, vêtue de sa robe très courte et de ses bas, anxieuse de partir immédiatement.
Renaud put serrer la main d'Henri Trudel qui sortait de l'eau à ce moment, remercier Elise pour son extrême gentillesse, quoiqu'en ce moment précis celle-ci avait du mal à retrouver le sourire. Il regagna sa voiture, suivi de sa passagère, laissant le frère et la sœur côte à côte derrière eux.
La voiture donnait une impression de familiarité, d'intimité agréable. Que deux jeunes gens se trouvent seuls, si proches l'un de l'autre, tout en se connaissant à peine, était encore nouveau. Bien sûr, les personnes de leur âge se voyaient dans des bals, dans diverses réceptions où la danse fournissait l'occasion de contacts physiques. Ils pouvaient aussi se réfugier parfois dans un coin pour un échange en tête-à-tête. Mais tout cela était parfaitement ritualisé, obéissait à des règles strictes connues de chacun. Quand ce n'était pas sous leurs yeux, on se trouvait au moins toujours à portée de voix de personnes respectables, habituellement parentes. Pour se retrouver vraiment seul à seul avec quelqu'un de l'autre sexe sans devenir le sujet de conversation de toutes les âmes respectables de Québec, il fallait être marié, ou à tout le moins fiancé.
Les années 1920 obligeaient à faire de nouveaux apprentissages. Sortir avec une jeune femme était encore quelque chose de nouveau. Les endroits pour ce faire demeuraient peu nombreux: il y avait bien sûr le cinéma, les repas au restaurant, les invitations à danser dans un endroit convenable. Il y avait aussi les promenades dans les parcs et les autres lieux public s. La voiture, encore peu accessible mais si présente dans tous les rêves, procurait, si on le voulait, l'intimité et presque le confort d'un salon, sinon d'une chambre à coucher. Ali ! Comme la voiture était appelée à un bel avenir quand il s'agirait pour des jeunes gens d'apprendre à se connaître.
Entre les changements de vitesse, Renaud devait faire attention de ne pas poser la main droite sur la banquette à côté de lui, comme il en avait l'habitude. Deux ou trois fois, ses doigts passèrent bien près des genoux couverts de soie. La jeune fille était décidément charmante, son babillage interrompu seulement par de courts silences quand elle se concentrait un moment sur un paysage particulièrement impressionnant.
— Votre uniforme a créé une certaine commotion, hier soir, remarqua-t-elle bientôt.
— Ce n'était pas la tenue appropriée, je m'en suis rendu compte.
La description de son habillement de la veille avait déjà fait le tour de La Malbaie; elle aurait atteint Québec le lendemain.
— L'effet, dans l'ensemble, n'a pas été négatif, fit sa compagne. Bien sûr, dans les milieux de langue anglaise, vous auriez été l'objet d'une admiration sans réserve. Vêtu comme cela, avec vos médailles, tous les salons de l'ouest de Montréal s'ouvriraient à vous.
— Vous êtes en quelque sorte à cheval sur
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