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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d’hommes de lettres terrassés par leurs travaux ou de masturbateurs anéantis par leur vice.
     
    Mathilde lui préférait le docteur Frédéric Scholl, autre médecin lausannois qui avait soigné Tissot jusqu’à sa mort, en 97. Après avoir exercé à Vevey jusqu’en 1788, Frédéric Scholl, reçu membre du Collège de médecine de Lausanne, s’était installé dans cette ville. Ami, comme Verdeil, et homme de confiance de William Beckford, il avait acheté 950 livres sterling en 1796, pour le compte de l’esthète anglais, la bibliothèque d’Edward Gibbon. Les livres entreposés chez lui attendaient, disait-on, la venue de leur nouveau propriétaire, connu des intellectuels locaux comme auteur d’un conte oriental, Vathek , publié en français à Lausanne à la fin de 1786, avec l’assistance de David Levade, ami et bibliothécaire de Gibbon. William Beckford était en effet annoncé pour l’été au bord du Léman.
     
    Mathilde Rudmeyer comptait bien, cette fois, approcher, par son médecin, cet intellectuel anglais dont la munificence n’avait d’égale que l’arrogance et qui se targuait d’une « aristocratique grossièreté ». N’avait-il pas dit de M me  de Staël, après une visite à Coppet, qu’elle ressemblait à une « statue de chair » et que « femme par inclination, elle pensait et parlait comme un homme 9  » !
     
    – Le personnage n’est pas très plaisant mais c’est un très bel homme et un amoureux du pays de Vaud. Un grand seigneur très raffiné, d’une intelligence supérieure et qui sait tout en littérature, en peinture, en musique. Pense donc, ma petite Charlotte, Mozart lui a donné des leçons ! Il voyage avec un train princier : quatre carrosses, trente-deux chevaux, vingt-quatre musiciens et une foule de domestiques. D’ailleurs, il pourrait être prince. Sa mère, qu’il appelle irrespectueusement la Bégum, descend de Marie Stuart et son père a été lord-maire de Londres. Lui-même a dit, car ce n’est pas la modestie qui l’étouffe : « J’ai assez de sang royal pour faire du boudin si venaient à en manquer tous les porcs de la chrétienté ! » cita Mathilde.
     
    – C’était aussi un ami de M. Gibbon ? demanda Charlotte.
     
    – Pas du tout ! Gibbon et lui se détestaient. Edward a toujours refusé de lui adresser la parole, parce qu’il le considérait comme « publiquement flétri », c’était son mot, depuis qu’en 1784 on avait accusé Beckford d’avoir mis dans son lit le fils de lord Courtenay, William, dit Kitty, un joli garçon de seize ans, dont il était amoureux à la mode grecque ! C’est même en raison du scandale causé par cet attachement contre nature que l’Anglais dut quitter son pays.
     
    Une invitée, relayant Mathilde, donna une raison autre que morale à la détestation de Gibbon pour Beckford :
     
    – Il faut savoir aussi que M. Beckford était un des rares Anglais à ne pas reconnaître à notre ami Edward les mérites d’un grand historien. Il lui reprochait, très injustement, je pense, des « détournements de vérités historiques » et l’accusait de « plaisanter et mépriser tout ce qui est sacré et digne de vénération ». Si vous voulez mon avis, c’est une sorte d’affront posthume que Beckford a voulu faire à Gibbon en achetant sa bibliothèque. De son vivant, Edward n’en eût pas distrait un livre pour ce compatriote exécré.
     
    – Et dire que M. Beckford était marié, depuis deux ans, à une jeune femme charmante et d’excellente naissance, Margaret Gordon, fille unique du comte d’Aboyne, que j’ai connue quand, après le scandale, ils sont venus avec leur petite fille habiter La Tour-de-Peilz. Le couple avait loué le château au major de Blonay, qui venait de l’acheter aux héritiers de M. Gressier, ancien officier aux armées de France, compléta une autre invitée.
     
    – Et c’est à La Tour-de-Peilz qu’est morte lady Beckford, en accouchant d’une seconde fille, en mai 86, je m’en souviens parfaitement. Elle avait tout juste vingt-quatre ans, précisa M lle  Rudmeyer.
     
    – On a beaucoup dit à cette époque, en Angleterre, que la pauvre M me  Beckford avait succombé aux… bizarres traitements que lui faisait subir son époux, risqua la veuve, après avoir croqué le dernier gâteau sec.
     
    Mathilde Rudmeyer adorait les potins mais condamnait la médisance. Aussitôt, elle s’insurgea :
     
    – C’est pure

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