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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ennuyaient pas assez avec leurs soldats qui vont et viennent et nous coûtent…
     
    Mathilde interrompit les récriminations de la servante en s’emparant du Bulletin helvétique . Charlotte se leva pour lire par-dessus l’épaule de sa tante. Elle apprit ainsi, comme tous les Lausannois, que le Premier consul avait rejeté le projet de Constitution présenté par le citoyen Maurice Glayre, envoyé à Paris pour défendre les intérêts de la Suisse dans les négocia tions qui avaient abouti, le 9 février 1801, à Lunéville, à la signature de la paix entre la République française et l’Autriche.
     
    Le journal reproduisait en partie la dépêche de l’ambassadeur de Suisse à Paris, M. Philippe-Albert Stapfer. D’après ce dernier, Bonaparte, recevant le 29 avril les envoyés suisses à Malmaison, où il résidait avec son épouse Joséphine, leur avait déclaré qu’il avait lu avec attention le projet de Constitution préparé au cours de longues tractations secrètes par la commission du Conseil législatif réuni à Berne. Ce projet, essentiellement unitaire, instituait quatre éléments d’autorité : Conseil législatif, Sénat conservateur, Conseil de gouvernement, Conseil d’État. Cette organisation avait les apparences de la démocratie, alors qu’elle équivalait, en fait, à livrer l’ensemble des cantons à une nouvelle oligarchie urbaine, mise en place par une élite élective se cooptant. Elle ne tenait nullement compte des aspirations des petits cantons et du retour à la fédération d’États, souhaité par une majorité de citoyens. Le Premier consul avait tout de suite qualifié le projet de « singerie de la Constitution française » puis ajouté, d’un ton catégorique : « Comme consul de la République française, je n’ai point de conseils à vous donner ; vous êtes indépendants, vous pouvez vous constituer comme vous jugerez à propos. Si votre gouvernement se croit assez fort pour mettre en activité ce projet de Constitution, je n’ai rien à dire, il en est le maître ; je retire mes troupes. Mais, s’il a besoin de mon appui pour l’exécuter, alors, je me dois à moi-même de déclarer que jamais je ne pourrai approuver, et encore moins appuyer, un si mauvais ouvrage. Il est essentiellement mauvais ; jamais je ne voudrais me déshonorer au point d’y attacher mon nom. J’ai devant les yeux l’Europe et la postérité ; celle-là dirait que j’ai donné l’esclavage à la Suisse en en faisant une province française ; et celle-ci me reprocherait, avec raison, d’avoir détruit la liberté dans le pays de Guillaume Tell ! »
     
    Plus tard, car la conversation avec les envoyés suisses avait été longue, Bonaparte, après quelques tirades emphatiques, avait laissé plus clairement voir ses préférences pour la fédération. « Ce sont vos petits cantons seuls que j’estime ; il n’y a qu’eux qui m’empêchent, ainsi que les autres puissances de l’Europe, de vous prendre. Lausanne, Berne et Zurich sont des villes plus corrompues que la France et que je ne considère point comme la véritable Suisse. Les petits cantons seuls vous rendent intéressants aux yeux de l’Europe ; c’est sous leur protection que la Ligue helvétique s’est formée. Je sais bien que les cantons postérieurs, qui doivent à l’héroïsme d’Uri, de Schwyz et Unterwald leur existence politique, ayant acquis des richesses et s’étant agrandis considérablement, ont joué les maîtres et dominé en Helvétie ; mais ce ne sont pas eux qu’on considère en Europe ; ce ne sont pas quelques bourgeois de Berne, plus corrompus que nous, qui ont usurpé un grand pouvoir sur leurs concitoyens et une influence injuste sur les autres cantons, qui ont rendu les Suisses respectables et leur pays intéressant à l’Europe. Non, je le répète, c’est aux petits cantons seuls que vous devez cet intérêt ; mais je les vois sacrifiés à un projet de Constitution qui leur ôte toute liberté et élection, et qui donne une administration coûteuse et inutile à des paysans de montagne. Les rédacteurs de ce projet de Constitution sont aussi inconséquents que tous les métaphysiciens modernes. »
     
    Le journal annonçait que Bonaparte avait aussitôt proposé un autre projet de Constitution, rédigé par lui-même et ses collaborateurs. Après avoir souscrit à quelques aménagements sollicités par les délégués suisses, il avait clairement fait savoir

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