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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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donc le bonheur parfait puisqu’en plus du lac, du verger, des amis, de la femme et des bateaux, je possède des vignes et un fils ! »
     

    En cet automne 1801, les Veveysans semblaient cependant moins préoccupés par la littérature que par la politique et la rentrée de la vendange, qui s’était déroulée sous la pluie et par temps plus que frais. À Vevey parvenaient, assourdis ou amplifiés suivant le narrateur, les échos des soulèvements en cours dans les cantons primitifs, en Suisse centrale et à Berne. Ici, les paysans opposés à la perception de la dîme menaçaient les collecteurs ; ailleurs, des aristocrates partisans d’un retour à l’Ancien Régime fourbissaient leurs armes ; partout dans le pays, des citoyens, désirant seulement vivre en paix, du fruit de leur travail, se disaient prêts à renverser une République helvétique incapable de maintenir l’ordre et de faire respecter la loi.
     
    On s’attendait, d’un jour à l’autre, à une intervention de l’armée française, seule force capable de ramener le calme et d’imposer une Constitution dont les imperfections auraient pu être corrigées sans heurts ni conflits. On savait assez que Bonaparte ne voulait pas voir la Suisse gouvernée par des réactionnaires mais par des patriotes, représentants d’un peuple acquis dans sa grande majorité aux idées de la Révolution. Certains naïfs espéraient beaucoup d’une rencontre entre Reding et le Premier consul, mais les gens informés n’imaginaient pas une entente possible. Le général Bonaparte considérait le nouveau landammann et son entourage comme des ennemis de la France, à l’écoute des agents anglais et autrichiens, nombreux sur le territoire helvétique.
     
    À Vevey et dans le Valais, le camp des anti-Français se trouva renforcé quand fut connu, avec six mois de retard, l’acquittement pur et simple, le 28 avril, par le Conseil de guerre réuni à Strasbourg, du général Xaintrailles. Tous ceux qui se souvenaient des exactions et des vols commis par cet officier supérieur crièrent au scandale en apprenant que les membres du tribunal militaire avaient décidé, à l’unanimité, que Xaintrailles n’était coupable d’aucun des vingt-deux crimes et délits dont on l’accusait !
     
    Flora n’hésita pas à rappeler, devant le cercle des Métaz, que le capitaine logé à Rive-Reine l’année précédente avait assuré que Xaintrailles serait jugé, condamné et sans doute exécuté.
     
    – Cet officier, dont j’ai oublié le nom, m’avait paru sincère. J’ai même su plus tard, par des plaignants, interrogés par ses soins et scrupuleusement, qu’on ne ménagerait pas ce général pilleur. Mais on doit convenir aujourd’hui que tout cela n’était que poudre aux yeux !
     
    – Ce capitaine était sincère et je crois qu’il a loyalement composé le dossier. Mais, entre Vevey et Strasbourg, bien des choses ont pu se passer, n’est-ce pas, dit Charlotte qui avait appris quelques jours plus tôt, par une lettre de Blaise, la clémence incompréhensible des juges militaires.
     
    – Comme je n’ai pas vu cet officier, je ne puis me faire une opinion sur sa sincérité, mais je fais confiance à Charlotte, elle est assez fine pour juger, dit Guillaume, ce qui fit sourire Flora.
     
    – Si les témoins de chez nous avaient répondu à la convocation du Conseil de guerre français et s’étaient rendus à Strasbourg, au lieu de trouver des prétextes pour ne pas faire le déplacement, peut-être aurait-on tenu compte de leurs dires répétés en face du coupable. Je sais qu’au début du mois de mai tous ont reçu des convocations, mais l’un s’est dit malade et dans l’incapacité de faire un voyage de plus de soixante lieues, un autre s’est déclaré impécunieux, un troisième a raconté qu’il devait rester au chevet de sa femme près d’accoucher, un artisan, que nous connaissons tous ici, a même expliqué que, s’il s’absentait une semaine et n’honorait pas les commandes en cours, il perdrait ses pratiques ! Alors, que ces gens ne se plaignent pas ! Quand on veut gagner son procès, on s’en occupe soi-même, quoi qu’il en coûte. C’est ainsi qu’on a bonne justice, bougonna Blanchod.
     

    Lors du traditionnel banquet de la vendange, Guillaume Métaz voulut montrer à ses invités « le petit vigneron » dont il avait annoncé l’arrivée l’année précédente. Charlotte, à qui l’idée ne

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