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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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où, la preuve étant faite de la nature fédérale de la Suisse, il deviendrait évident, pour tous les partis, que les citoyens des divers cantons ne pouvaient accepter la férule d’un gouvernement unique et d’une administration centralisée. Charlotte, à qui Blaise laissait toujours espérer une visite, finit par douter de la sincérité d’un attachement que l’absence diluait. Les échanges épistolaires n’en continuèrent pas moins, à intervalles irréguliers.
     

    Au mois de février 1802, Axel, dont la robustesse et la précocité étonnaient, commença à se dresser en titubant sur ses jambes. L’intrépidité de l’enfant valut à Charlotte sa première émotion de mère, le jour où Axel, s’étant aventuré sans surveillance dans le couloir du premier étage, déboula l’escalier de bois jusqu’au rez-de-chaussée. Il s’en tira sans autre dommage qu’une bosse au front et une égratignure au bras. Polline, censée surveiller l’enfant à ce moment-là, fut sermonnée. Quand son fils fut sevré, Charlotte insista pour que la nourrice, dont le mari venait de mourir, fût engagée comme bonne d’enfant et logée à Rive-Reine. Pernette Métayer était une brave fille du pays d’En-Haut, taciturne mais dévouée et d’une propreté rigoureuse, dont l’affection pour Axel ne faisait aucun doute.
     
    M. Métaz fit ses comptes et consentit, en soupirant, à augmenter la domesticité de Rive-Reine. Sa femme, ayant subodoré quelques réticences, avait donné à entendre qu’elle paierait elle-même le salaire de Pernette sur la rente provenant de sa part d’héritage de feu M. Rudmeyer si « cette dépense était jugée insupportable » par son mari. C’eût été humiliant pour Guillaume, dont on aurait pu dire en ville, où tout se savait, qu’il n’avait pas les moyens d’entretenir convenablement sa femme et son fils !
     
    Or M. Métaz était assez à l’aise, en ce printemps 1802, pour envisager l’achat de l’ancien château de Vevey, demeure baillivale désaffectée, que tout le monde nommait la Belle Maison. Il discuta si âprement le prix que le château revint à un adjudicataire moins lésineur, le marchand de vins Henri Michaud, un de ses rivaux en affaires.
     
    Cette déconvenue, dont quelques descendants d’aristocrates firent des gorges chaudes, en disant que Métaz prétendait passer pour châtelain alors que ses proches ancêtres, descendus de la montagne, bourraient leurs sabots de paille, incita Guillaume à prendre l’initiative la plus hardie qu’il eût jamais osée.
     
    Dès que le traité de paix fut signé, le 25 mars, à Amiens, entre la France et l’Angleterre, traité qui mettait fin à la série de conflits qui avaient ensanglanté l’Europe pendant dix ans et sérieusement compromis les échanges commerciaux, M. Métaz proposa à sa femme l’aventure souhaitée depuis l’adolescence.
     
    – Si tu ne redoutes pas la fatigue d’un long voyage, veux-tu venir avec moi à Paris ?…
     
    – À Paris ! Tu veux que nous allions à Paris ? C’est vrai ou si tu…
     
    – Vois-tu, cocolette, maintenant que Bonaparte a fait la paix avec l’Autriche et l’Angleterre, l’Europe va devenir comme un immense marché. On va pouvoir se déplacer librement, sans risque de tomber dans une bataille. Les marchandises vont circuler, le commerce va reprendre avec l’Angleterre, l’Écosse, la Hollande, la Prusse et les principautés allemandes. Tous les pays vont organiser des foires, où nous pourrons vendre nos vins, nos fromages, nos montres, nos boîtes à musique et tout et tout… C’est le moment de placer des jalons, de trouver les commissionnaires les plus sûrs et les mieux introduits, d’engager des relations avec les négociants étrangers. Or, moi, je dis que c’est d’abord à Paris que se trouvent les intermédiaires habiles, ceux qui savent les moyens et les accommodements. Voilà pourquoi je veux aller à Paris, où je connais quelques Vaudois bien renseignés. Ils pourront m’aider. Si tu veux venir, je t’emmène, puisque nous avons une femme sérieuse pour s’occuper d’Axel.
     
    M me  Métaz, comme chaque fois qu’elle éprouvait un bonheur soudain, sauta au cou de son mari et se dit prête au départ dès le lendemain. Guillaume modéra son élan.
     
    – Holà, holà, ce n’est pas pour tout de suite. Un tel voyage se prépare. Il faut ne pas s’aventurer à l’aveuglette ! Je dois d’abord

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