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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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écrire à des gens, organiser des rendez-vous, obtenir à Lausanne des recommandations de la Société économique et, aussi, de certains pasteurs qui ont des relations en France. Je compte bien avoir, par les ingénieurs de la route du Simplon, à qui nous fournissons de la chaux et du sable, une lettre d’introduction du général Thurreau pour les acheteurs des Ponts et Chaussées. Tout cela ne se fait pas en un jour. Et puis il faut penser à la vigne. Le seul moment où l’on ne peut plus rien faire pour elle, que regarder le raisin mûrir en priant le ciel que la pluie ne pourrisse pas les grappes et que la grêle ne mitraille pas les ceps, c’est entre le 15 août et fin septembre. C’est donc vers cette époque que je prévois notre grand voyage. Tu as tout le temps de te préparer.
     

    Dès lors, M me  Métaz ne fit que rêver tout éveillée. Elle se promit d’écrire à Blaise de Fontsalte, pour annoncer son arrivée à Paris, dès que la date du voyage serait fixée.
     
    Elle eut une grande crainte de voir Guillaume renoncer à son projet quand, au mois d’avril, à la suite d’un nouveau coup d’État, le gouvernement de Reding fut évincé et que le pouvoir revint aux unitaires. Ce changement, loin de faire l’unanimité, incita les paysans à s’élever à nouveau, et avec plus de violence, contre la perception de la dîme qu’aucun gouvernement, quelle que fût sa tendance, ne semblait vouloir abolir comme on le promettait depuis 1798. Déjà, au cours de la nuit du 19 au 20 février, des émeutiers avaient envahi le château de La Sarraz et brûlé les archives. Ils entendaient ainsi faire disparaître les terriers, registres détenus par les anciens seigneurs et qui constituaient l’inventaire des biens immobiliers, terres et immeubles des agriculteurs dépendant de la seigneurie. Ces papiers servaient aux tenanciers pour calculer et percevoir l’impôt, que l’on continuait d’appeler improprement dîme. Il ne se passait pas de semaine sans qu’on rendît compte d’une expédition des destructeurs d’archives, surnommés les Bourla-Papey, brûleurs de papiers, dont le chef était un imprimeur de Lausanne, Louis Reymond. Partout, ils vidaient chartriers et cartulaires, allumaient des feux de joie autour desquels dansaient les villageois, enchantés de voir flamber les papiers révélateurs.
     
    Dans un manifeste, daté de Saint-Saphorin-sur-Morges, le 7 mai, et adressé par Louis Reymond au citoyen Kuhn, commissaire envoyé par le gouvernement central dans le canton du Léman, le chef des Bourla-Papey justifiait l’action de ses troupes. « Au moment de la Révolution, il fut promis aux agriculteurs la libération de toutes les redevances féodales. Pendant deux ans ils jouissent des effets de ces promesses ; mais la troisième année arrivée ils voient des arrêtés rigoureux et injustes dans leur forme sortir d’une autorité provisoire et qui empiraient leur sort. Fondés sur des arrêtés pareils, les propriétaires de ces redevances, tous ennemis du nouvel ordre de chose, s’en sont prévalus pour tyranniser leurs vassaux, auxquels tous moyens de se faire entendre étaient enlevés à raison des formalités que prescrivaient ces arrêtés. »
     
    Reymond terminait par une menace : « Si vous ordonnez des moyens de rigueur et des voies de fait pour opposer au projet invariablement pris par mes troupes, elles vous déclarent qu’outre la résistance que vous trouverez en elles, elles émettront incontinent un vœu de réunion à la République française, sous la protection de laquelle elles se mettent dès cet instant et dont elles arborent déjà les couleurs 13 . »
     
    Une châtelaine paisible et peu fortunée, amie des Ruty, vint raconter à Rive-Reine que deux cents hommes armés avaient assiégé son château en réclamant les papiers relatifs aux droits féodaux : « Ils n’ont pas voulu croire que ces vieux papiers étaient depuis longtemps déposés chez mon notaire. Ils ont forcé les armoires, visité les greniers et la cave où ils s’enivrèrent de mon vin. Ils menacèrent de leur baïonnette mon vieux majordome qui faillit périr d’émotion, dirent des gravelures à ma femme de chambre et annoncèrent qu’ils allaient brûler la maison. Ils finirent par se lasser, mais, avant de partir, ils tirèrent des coups de fusil dans le lustre du salon et cassèrent toutes les vitres ! Voilà comment sont nos patriotes, mes amis, de vrais

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