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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sauvages ! Et voleurs, avec ça. Ils m’ont emporté une caisse de chandelles et dix bouteilles de porto ! »
     
    De tels faits finirent par émouvoir la population et le commissaire Kuhn, homme de sang-froid, rencontra assez de concours pour calmer les Bourla-Papey et mettre en fuite les meneurs. Un tribunal condamna à mort Louis Reymond et ses lieutenants, qui demeurèrent introuvables. La sentence n’avait pu être exécutée et il y avait peu de risque qu’elle le fût un jour quand, en juillet, les dernières troupes françaises quittèrent soudain la Suisse. Bonaparte, las d’une guerre civile larvée et constatant l’anarchie qui régnait, depuis des mois, dans le pays, avait décidé, disait-on, de laisser la République helvétique régler elle-même ses affaires.
     
    Le départ des Français encouragea les réactionnaires, qui allumèrent partout l’insurrection. On annonça, le 20 août à Vevey, que Reding, aidé du colonel Bachmann, avait levé des troupes de paysans et marchait sur Zurich et Berne. Les Vaudois, qui en grande majorité redoutaient la victoire du parti réactionnaire et le retour à l’Ancien Régime, se dirent prêts à prendre les armes pour maintenir les libertés acquises par la Révolution. Réalistes et respectueux des principes de la République helvétique, trop souvent falsifiés par les factions, ils choisirent avec sang-froid et habileté de se faire, dans la conjoncture, les meilleurs défenseurs d’un gouvernement qui leur était hostile, mais que menaçaient les contre-révolutionnaires les plus radicaux.
     

    Les événements étaient commentés, chaque soir, dans le cercle des Métaz et Charlotte, craignant de plus en plus qu’ils n’incitent Guillaume à renoncer au voyage à Paris, laissait les hommes discuter et s’en allait prendre le frais avec Flora, au bout de la terrasse, en regardant le lac. Blanchod paraissait le plus pessimiste.
     
    – Cette Europe en paix, que Bonaparte nous promet et que tu vois, Guillaume, toute vouée au commerce, n’est pas pour demain. Je vous le dis. Nous autres Suisses, nous ne sommes même pas capables de nous entendre sur une Constitution et d’obéir tous à un gouvernement, alors pensez voir, les Français, les Anglais, les Autrichiens, c’est bien autre chose ! Ils reprennent des forces avant de recommencer à se battre, je vous dis ! Les affaires, elles sont pas prêtes de se rapicoler 14  !
     
    – Allons, allons, Simon, c’est une passée 15 , tout finira bien par rentrer dans l’ordre, rétorqua Chantenoz.
     
    Comme Guillaume se taisait, Blanchod tira sa blague à tabac et commença à bourrer sa pipe.
     
    – Je serais jeune comme vous deux, je sais bien ce que je ferais, moi, tiens !
     
    – Et que ferais-tu ?
     
    – Je m’en irais en Amérique, pardi, comme ceux qui sont partis ces temps-ci rejoindre Jean-Jacques Dufour, de Montreux, qui est là-bas depuis 96. Ils sont onze de Vevey et de Blonay, qui se sont embarqués avec les six frères et sœurs de Dufour. Ils s’en vont planter la vigne au bord d’une grande rivière appelée Ohio. On m’a dit que Jean-Jacques Dufour a acheté des milliers d’acres pour pas cher et une belle ferme. Les gens du pays ont appelé sa vigne Firstvineyard, ça veut dire la première vigne. Peut-être bien qu’ils auront la paix et qu’ils feront fortune, là-bas, au Nouveau Monde !
     
    – Ils ne sont pas les premiers paysans suisses à s’être exilés en Amérique, Simon. Souviens-toi de Jean-Pierre Pury, de Neuchâtel. Il était parti pour cultiver le mûrier et élever des vers à soie et, finalement, il n’a survécu qu’en cultivant le tabac, l’indigo et le maïs, comme les gens du pays, rappela Chantenoz.
     
    – Et les deux cents du canton de Bâle et d’Appenzell, qui se sont embarqués en 89 pour aller faire du fromage dans un pays montagneux, près de la source du Kentucky. Qui sait ce qu’ils sont devenus ! Peut-être ont-ils été mangés par les Indiens qui se peignent le corps, dit Guillaume.
     
    – Les Indiens sont, paraît-il, moins dangereux que les coureurs de bois. J’ai lu que ces demi-Sauvages vous envoient une balle entre les deux yeux aussi facilement qu’ils vident un verre ! Non, Simon, l’Amérique n’est pas encore un pays vraiment civilisé. Mieux vaut rester chez nous et attendre patiemment que nos cantons se mettent d’accord. En attendant, bon voyage, conclut Chantenoz en se levant pour

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