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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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plusieurs langues étrangères. Ses connaissances étendues et variées le faisaient qualifier par son ami Étienne-Jean Delécluze de « puits de science » 3 . Dès sa première visite, Charlotte avait été impressionnée par l’abondance des livres dans l’appartement de l’ambassadeur. On en voyait dans toutes les pièces, partout où l’on avait pu dresser des bibliothèques. Comme il fallait tout de même laisser accessibles portes et fenêtres, les ouvrages qui ne trouvaient pas place sur les rayonnages étaient empilés sur les consoles, les tabliers des cheminées ou dressés en colonnes branlantes à même le parquet !
     
    Les mercredis, jours de réception, M me  Métaz avait rencontré chez les Stapfer des Européens célèbres dont quelques Suisses de passage à Paris. L’un arrivait d’Amérique, l’autre d’Égypte, un troisième d’Allemagne. Savants, littérateurs, ingé nieurs, dilettantes, tous agitaient de grandes idées politiques ou sociales et racontaient des anecdotes. Sentimentale, Charlotte goûtait plus les histoires d’amour, dont se délectaient les dames, que les considérations métaphysiques de M. Maine de Biran, les théories du beau, du bien, du vrai de M. Victor Cousin, les expériences du botaniste Augustin Pyramus de Candolle ou les tirades en faveur de l’abolition de l’esclavage que développait, d’une voix de stentor, miss Wright, une Américaine bizarrement vêtue, amie intime du général La Fayette. C’est chez les Stapfer que M me  Métaz apprit comment M. Benjamin Constant avait, un soir de décembre 1794, écrasé sa montre à coups de talon devant M me  de Staël parce qu’elle indiquait minuit, heure limite de ses visites afin de ne pas nuire à la réputation de celle qu’il courtisait.
     
    – Une amie m’a raconté que ce geste avait eu raison de la résistance vertueuse de Germaine Necker et que M. Constant n’avait pas eu à racheter de montre, assura malicieusement une dame.
     
    Plus chevaleresque encore parut à Charlotte le comportement de M. de Jaucourt, amant de M me  de La Châtre. Ce gentilhomme s’était arraché les deux doigts que sa maîtresse avait pincés entre vantail et chambranle, en refermant précipitamment sur lui la porte de sa chambre, alors que le mari s’annonçait !
     
    Comme toutes les amoureuses frustrées, Charlotte se plaisait à imaginer que Blaise de Fontsalte serait capable de pareilles folies. Elle ne pouvait, hélas, à Paris, parler à quiconque d’un amant qu’elle n’avait pas revu depuis plus d’un an. Flora, sa confidente, lui manquait d’autant plus que, dans les deux lettres reçues de Vevey en réponse aux siennes, l’amie ne pouvait évidemment faire la moindre allusion à Blaise.
     
    Obstiné comme un vrai Vaudois et décidé à ne pas transiger plus que nécessaire avec ses principes, M. Métaz ne se découragea pas et finit par rencontrer, dans le grand maquis affairiste de Paris, des gens honnêtes qui, partageant sa façon de commercer, lui passèrent des commandes sans réclamer de commissions exagérées. Au Club des Étrangers, rue du Mail, et surtout au café de la Régence, place du Palais-Royal, où se tenaient les joueurs d’échecs et que fréquentaient les négo ciants, les commissionnaires et les banquiers, le Vaudois fut présenté à ceux qui finançaient le commerce. Jean-Conrad Hottinguer, citoyen suisse installé dans la banque parisienne depuis 1798 et très apprécié du gouvernement français, ouvrit un compte à son compatriote et lui fit rencontrer d’autres banquiers importants : Perrégaux, Mallet, Périer, Delessert, qui traitaient des affaires dans tous les pays d’Europe. Tous étaient en rapport avec le banquier genevois Henri Hentsch, réputé pour son activité dans ce qu’on nommait, en jargon de banque, « le commerce des étrangers », la négociation des lettres de change circulaires, billets transférables, billets au porteur, lettres de crédit.
     

    Pendant que Guillaume traitait, avec de plus en plus d’entrain, des affaires auxquelles sa femme ne s’intéressait guère, Charlotte attendait que Blaise de Fontsalte voulût bien se manifester. Elle se rendait deux fois par jour aux messageries voisines, dans l’espoir d’y trouver un pli à son nom. Chaque fois que l’employé répondait avec un sourire compatissant : « Rien pour vous, madame », elle ressentait une nouvelle déception. Après avoir longtemps imaginé

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