Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
à Paris. Il y est venu pour affaires. J’aurais eu plaisir à revoir Blai… M. de Fontsalte, avoua Charlotte en baissant les yeux.
     
    D’une pichenette, le général fit sauter un brin de tabac accroché à son dolman. Charlotte remarqua ses mains fines et blanches aux ongles polis.
     
    – Je crains, hélas, que vous ne puissiez voir le colonel… et cela par ma faute. Il est présentement en Espagne. Je l’ai moi-même désigné pour accompagner la délégation française invitée au mariage du prince des Asturies, Fernando, le fils de Charles IV et de Maria Luisa de Parme, avec la fille du roi des Deux-Siciles, la princesse Maria Antonia. Je ne pouvais confier pareille mission qu’à un officier supérieur connaissant l’étiquette espagnole, sachant se tenir à la cour, capable de prévenir les bévues de nos délégués, braves gens, mais qui, parfois, manquent de manières, comprenez-vous.
     
    – Je comprends. Les manières de la monarchie font encore défaut à la République !
     
    Ribeyre apprécia l’esprit de cette Vaudoise à l’œil malicieux.
     
    – La République va se policer peu à peu. Un jour, qui n’est peut-être pas éloigné, elle aura ses dignitaires et son étiquette. Je crains seulement que le bon goût ne soit pas son chambellan ! Mais laissons cela et permettez-moi de vous dire que, si vous aviez prévenu Blaise de votre visite, je me serais arrangé pour qu’il fût à Paris pendant votre séjour.
     
    – J’aurais dû, en effet, dit Charlotte, qui ne tenait pas à donner plus de détails sur ses relations avec Blaise.
     
    Comme elle se levait en remerciant, le général lui prit le bras pour l’accompagner jusqu’à la porte, puis s’immobilisa.
     
    – Puis-je faire quoi que ce soit pour vous être agréable, madame ? Voulez-vous visiter l’exposition du Louvre, voulez-vous rencontrer des littérateurs, des savants, des artistes ? Voulez-vous disposer de ma loge au Théâtre Feydeau ? Pierre-Jean Garat y chante fort agréablement. Ne puis-je aussi, avec la discrétion de rigueur, aider votre mari dans ses affaires ?
     
    Charlotte entrevit une occasion de servir Guillaume, un biais pour apaiser sa conscience.
     
    – Si j’osais… je vous dirais bien, général, que M. Métaz a des difficultés pour entrer en rapport avec les membres du Conseil général du Commerce… Ce sont des gens…
     
    – Des gens très occupés, qui estiment leur temps à bon prix, n’est-ce pas ? C’est bien ce que vous voulez dire, madame ?
     
    Charlotte se sentit un peu confuse, mais, au service des Affaires secrètes, on savait à quoi s’en tenir sur la cupidité de certains conseillers.
     
    – Dites-moi où l’on peut faire parvenir un pli à votre mari et je vais arranger ça. Naturellement, personne ne saura rien de notre petite complicité dans cette affaire. Monsieur votre époux aura la surprise ! Et je ferai aussi déposer à votre hôtel, au nom de M. Métaz, deux billets pour la revue du prochain quintidi 4 . Ce sera un beau spectacle militaire, qui vaudra bien une prise d’armes sur la place du Marché de Vevey ! Et puis vous verrez de près le Premier consul, maintenant consul à vie, depuis que le peuple en a décidé ainsi 5 .
     
    Charlotte remercia, donna l’adresse du Grand Hôtel de Berlin et tendit, avec l’aisance que lui conférait un commencement d’habitude, sa main à baiser.
     
    – J’ose espérer vous revoir, dit le général en ouvrant la porte de son bureau.
     
    Dans le couloir, à bonne distance, attendait le lieutenant qui avait conduit la visiteuse. Il la raccompagna jusqu’au seuil de la secrétairerie.
     
    En marchant de la rue Vivienne à la rue des Frondeurs, en longeant les jardins de l’ancien Palais-Royal, qui abritaient maintenant le Tribunat, M me  Métaz se sentit le cœur léger. Comme la vie de Paris devait être grisante pour qui possédait des relations et comme une femme s’y sentait libre, protégée par connivence avec des hommes distingués ! Une ville où les amours secrètes bénéficiaient de complicités spontanées, une ville si peuplée que l’anonymat paraissait garanti, une ville où les commérages devaient manquer de substance et, sitôt nés, périr dans l’indifférence générale. Ce jour-là, Paris parut à Charlotte une cité idéale, où amants et maîtresses pouvaient se livrer au plaisir en toute quiétude.
     

    Quarante-huit heures après sa visite au général

Weitere Kostenlose Bücher