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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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goûter au plus haut point, se laissa tenter par une demi-douzaine de chemises agrémentées, au décolleté, de dentelle de Malines, par quelques paires de bas blancs, verts ou bleus, ce qui était du dernier goût, retenus par des jarretières ornées de nœuds, de rubans ou de petites roses.
     
    Chez une modiste, elle acquit deux chapeaux, l’un de paille, chargé d’une grappe de lilas mauve en taffetas, si parfaitement imitée qu’elle crut y respirer le parfum des fleurs, l’autre de velours vert amande, agrémenté d’un liséré de satin blanc et d’un duvet de cygne. Elle rapporta aussi à l’hôtel des rubans de toutes couleurs, un éventail, des gants et un flacon d’eau d’Espagne acheté chez Farjeon, le parfumeur à la mode.
     
    Guillaume trouva les chapeaux cocasses et n’accorda aucune attention aux chemises arachnéennes, sinon qu’il les estima peu couvrantes « par cramine 6  ».
     
    – Te voilà attifée à la Parisienne, ma cocolette. Si tu te montres comme ça chez nous, tu vas apigeonner 7 tous les artistes peintres. Sûr qu’ils voudront te faire le portrait, dit-il, avant de prendre connaissance des factures, qu’il trouva salées.
     
    » Sais-tu que tes achats représentent plus que la paie d’un ouvrier pendant trois ans ! Un manœuvre gagne ici trente-cinq sous par jour et travaille, l’été, de cinq heures du matin à sept heures du soir, avec deux pauses pour manger. Les plus considérés, les maîtres charpentiers, reçoivent quatre francs par jour. Dans les fabriques et manufactures nouvelles, rares sont les compagnons qui gagnent plus de trente sous. Les gens se regimbent parfois et, comme certains métiers sont mieux payés que d’autres, les ouvriers se battent entre eux. On m’a dit qu’à Nantes, ces temps-ci, les menuisiers et les maçons s’en sont pris aux charrons et aux serruriers ! Il a fallu la police pour les séparer. Alors, tu vois quelles toilettes peuvent porter leurs pauvres épouses !
     
    – Tu n’es ni maçon ni serrurier. Tu es propriétaire de vignes, de carrières et du plus important chantier de bateaux du Léman. Dieu merci, tu as les moyens de vêtir ta femme aussi bien que l’habillait son propre père quand elle était fille ! Et puis, grâce aux gens que tu as rencontrés, tu vas, j’espère, faire de bonnes affaires, conclut Charlotte, agacée par la comparaison entre ses dépenses et le salaire d’un manœuvre.
     
    Guillaume se garda de répondre, mais, ce soir-là, M me  Métaz opposa aux élans de son mari une soudaine migraine.
     

    La revue du quintidi était l’occasion, pour tous les invités, de pénétrer dans les jardins des Tuileries et, pour les privilégiés munis d’un ticket spécial, d’accéder à la salle d’audience où le Premier consul recevait avant la parade militaire.
     
    Le 5 vendémiaire an XI (27 septembre 1802), par une chaude matinée, Charlotte étrennant sa robe neuve et son chapeau de paille à grappe de lilas, Guillaume portant un habit bleu qui le gênait aux entournures se présentèrent à la grille du palais des consuls. Des sentinelles en armes, insensibles aux avances de certains étrangers dépourvus d’invitation qui leur offraient de l’argent pour entrer, examinèrent leurs cartons. Comme ceux-ci donnaient accès au palais, un sous-officier les conduisit, à travers couloirs et escaliers, jusqu’à la galerie de Diane, autrefois galerie des Ambassadeurs, sur laquelle ouvrait l’antichambre du Premier consul. Dans la longue salle au parquet ciré se tenait déjà une foule d’officiers supérieurs, de fonctionnaires et de bourgeois endimanchés. Charlotte, éblouie par le décor – plafond à caissons, tentures de soie, grandes tapisseries, riche mobilier, tableaux et sculptures rescapés des destructions révolutionnaires – ne vit pas approcher le général Ribeyre. Ce dernier s’adressa à M. Métaz, en arrêt devant une Diane chasseresse dont le Veveysan soupesait, du regard, les appas de marbre.
     
    – Pardonnez-moi, monsieur, on vient de me faire savoir que vous arrivez du département du Léman, de Vevey, m’a-t-on dit. Mon nom est Ribeyre, ajouta-t-il simplement.
     
    Le général en grande tenue, habit vert à galons, épaulettes et aiguillette d’or, pantalon collant rouge à passepoil et soutaches dorés, bottes à la hongroise, impressionna Guillaume par son élégance et sa distinction.
     
    – C’est bien exact, monsieur, je suis

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