Helvétie
prévu par Guillaume deux jours plus tard. Elle trouva la société en pleine effervescence.
Depuis quelques jours, des événements graves se déroulaient en Suisse. La guerre civile, longtemps larvée, s’était maintenant généralisée et les troupes fédéralistes avaient contraint le gouvernement de la République helvétique à quitter Berne, pour se réfugier à Lausanne le 19 septembre. Entraînés par Aloys Reding, les insurgés avaient pour objectif la destruction de la République helvétique et le rétablissement, sous couvert d’un retour à la confédération primitive, de la domination des aristocrates.
Les forces fédéralistes, commandées par Nicolas-François de Bachmann, venaient d’obtenir la capitulation de Berne et marchaient sur Fribourg et Yverdon, se proposant ouvertement de piller ces villes, ainsi que Lausanne, pour faire expier aux unitaires le bombardement de Zurich par les troupes loyalistes.
À la demande du gouvernement de la République helvétique qu’il représentait, M. Stapfer avait sollicité officiellement la médiation de la France, pour mettre fin à un conflit fratricide et chaque jour plus sanglant. Lors d’une première audience, le ministre des Affaires extérieures, M. de Talleyrand, s’était dérobé en disant : « Une médiation entre un gouvernement légal et des rebelles serait un scandale 8 », mais, le 29 septembre, Lausanne étant menacée par les troupes fédéralistes, le Premier consul s’était résolu à intervenir.
Le général Ney, qui se trouvait à Genève, avait reçu l’ordre de se préparer à entrer en Suisse et une trentaine de bataillons français, du Valais, de Savoie, de Huningue et de Côme, en tout plus de douze mille hommes, arrivaient à marches forcées pour soutenir les troupes helvétiques qui, depuis leur défaite par l’armée de Bachmann, forte de huit mille hommes, s’étaient rassemblées autour de Lausanne.
Lors de cette dernière visite chez le ministre de Suisse, Charlotte revit l’aimable personne qui l’avait guidée dans ses achats et ses promenades.
– Espérons qu’à votre arrivée au pays de Vaud le calme sera revenu, dit-elle pour rassurer la Veveysanne.
– Notre fils doit être à l’abri en de bonnes mains, mais mon mari a grand souci pour les vendanges qui doivent commencer dans quelques jours. Si l’on réquisitionne encore une fois charrettes et chevaux et si les hommes doivent aller défendre Lausanne…
– Ne soyez pas trop inquiète ; l’intervention française va donner à réfléchir à ceux qui se sont rebellés. Permettez-moi de vous offrir une bonne lecture pour le temps du voyage, reprit la dame en remettant à M me Métaz un ouvrage joliment relié de cuir bleu.
Charlotte reçut le présent avec reconnaissance et lut au dos du livre le nom de l’auteur, François René de Chateaubriand, et le titre, Génie du christianisme ou Beautés de la religion chrétienne .
– De cet auteur, j’ai lu, il y a quelques mois, Atala , c’est une bien belle et bien triste histoire que les amours de ces deux Sauvages. Je dois confesser que j’ai pleuré au récit de la mort de la jeune Indienne convertie au christianisme. Ce drame est criant de vérité, reconnut Charlotte.
– Ce nouveau livre de M. le vicomte de Chateaubriand arrive à point nommé pour soutenir la politique du Premier consul qui a, comme vous savez, réconcilié l’Église et l’État. D’ailleurs, M. de Chateaubriand, qui s’était réfugié en Angleterre, après que son frère eut été guillotiné par les révolutionnaires, vient d’être rayé de la liste des émigrés, précisa l’épouse du diplomate.
Guillaume, qui voulait être présent à Vevey avant la mi-octobre, époque où, d’après Blanchod, le raisin serait bon à vendanger, pressa les préparatifs de départ. Tout au long de la route, les Métaz constatèrent que seuls les citoyens suisses semblaient s’intéresser aux événements qui se déroulaient entre Fribourg et Lausanne. À Dijon, un journal leur apprit que certains cantons, comme Glaris et Appenzell, avaient déjà rétabli l’Ancien Régime, que les contre-révolutionnaires de Coire et Disentis, aristocrates réactionnaires et membres du clergé favorables aux relations privilégiées avec l’Autriche, proclamaient que les Grisons n’appartenaient pas à la Suisse !
C’est dans cette ambiance que les époux
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