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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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horlogers jurassiens étaient, depuis l’origine, des paysans qui passaient l’été aux travaux des champs et l’hiver devant leur petit établi, à assembler, de leurs doigts gourds, les pièces des grosses montres, ceux de Vevey, cadraturiers 4 et finisseurs, confectionnaient avec habileté des instruments à mesurer le temps plus précis, plus élégants, plus fragiles aussi. Les montres fines des maîtres veveysans, comme celles de la Fabrique de Genève, devenaient de véritables œuvres d’art quand les meilleurs miniaturistes, comme Petiot, Désiré ou Chapuis, peignaient, sur leur boîtier d’or et d’émail, des portraits ou des scènes champêtres.
     
    Quand, en 1798, la République helvétique avait enlevé toute autorité aux corporations en proclamant la liberté du travail, la maîtrise de Vevey était entrée en agonie. Ne pouvant plus opposer à la concurrence des fabriques genevoises les produits, raffinés mais coûteux, d’un artisanat protégé, la corporation veveysanne avait vu sa clientèle s’amenuiser puis disparaître. Le 15 mars 1802, le corps de maîtrise ayant tristement opté pour le sabordage, la cassette de la corporation, cinq cent trente livres dix sols, avait été partagée entre les cinquante-deux horlogers de Vevey, derniers représentants d’une profession naufragée.
     
    En donnant du travail aux rescapés de l’horlogerie locale, Guillaume Métaz prenait son bénéfice et ne désespérait pas, maintenant que les Genevois ne pouvaient plus interdire de fabriquer une montre « à moins de trente lieues de Genève », de relancer un jour une fabrique veveysanne.
     
    Au cours de son séjour à Paris, le mari de Charlotte s’était aussi engagé à fournir à un grossiste des fromages de la Gruyère, de l’Oberland bernois et du pays d’En-Haut. De tout temps, ces fromages avaient été vendus à Vevey. Conservés dans des tonneaux, dont les vingt-deux tonneliers de la ville s’étaient fait une spécialité, ils étaient entreposés dans une halle pleine d’effluves lactés. De là, on les expédiait à la demande, par le lac, vers Genève et, par le Simplon ou le Grand-Saint-Bernard, vers l’Italie. Guillaume Métaz avait maintenant organisé leur transport jusqu’à Lyon, Dijon et Paris. Ses barques les livraient à Genève où des voituriers chargeaient les tonneaux et les conduisaient à destination. L’homme d’affaires veveysan ne rêvait que d’envoyer les produits suisses en Angleterre, pour concurrencer le fameux fromage de Stilton ! En attendant, il s’était assuré la production des meilleurs fromagers du pays d’En-Haut, de l’Oberland bernois et de la Gruyère, en leur garantissant des débouchés réguliers.
     
    Tandis que son mari allait à ses affaires, M me  Métaz se morfondait dans sa jolie maison. Du séjour parisien ne restaient, pour Charlotte, que des souvenirs, déjà ternis à force d’être racontés aux membres de la coterie Métaz et évoqués pour de simples relations. En retrouvant son fils, qui maintenant trottinait et répétait, en baragouinant, les mots qu’il entendait prononcer, elle avait pris soudain conscience de la fuite du temps. Le défilé des jours, des semaines, des mois semblait s’accélérer. L’hiver puis le printemps s’étaient écoulés sans apporter de nouvelles de Blaise. Or l’officier avait dû apprendre, dès son retour d’Espagne, la visite de M me  Métaz au général Ribeyre. S’il ne donnait plus signe de vie, c’était, pensait Charlotte, parce qu’il voulait interrompre toute relation avec elle. À plusieurs reprises, la délaissée avait été tentée d’obéir à Flora, quand son amie lui conseillait de brûler les lettres de M. de Fontsalte puisque l’aventure était terminée. Charlotte ne pouvait s’y résoudre et ne cherchait même pas à dissimuler une mélancolie que Guillaume et la domesticité attribuaient, depuis des mois, à une grossesse cependant aisément supportée.
     
    Cette cause physiologique supposée aurait dû disparaître le 18 mai 1803 au petit matin, quand M me  Métaz mit au monde une fille que la sage-femme – une nouvelle, fraîchement sortie de l’école du docteur Venel, à Yverdon – s’étonna de trouver aussi lourde et vorace.
     
    – Savoir si elle aura le regard vairon comme son frère ? demanda Guillaume.
     
    – Ce serait étonnant, lança Flora en posant sur l’accouchée un regard ironique.
     
    Émerveillé à la vue

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