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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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quelques-unes de ses hautes méditations ? si, indignes de tant de bonheur, faibles et dégénérés, nous ne savions enfin nous donner à nous-mêmes cette trempe forte et vigoureuse, cette austérité de principes et de mœurs, sans laquelle il ne peut y avoir ni liberté ni république 2 . »
     
    Les pompes civiques et la grandiloquence des proclamations firent sourire Martin Chantenoz, mais Guillaume Métaz ne perdit pas de temps en vains commentaires. Il se procura, par l’intermédiaire d’un conseiller bien placé, les dessins du sceau et du blason choisis et mit aussitôt en fabrication, chez un tisseur de Vevey, des modèles de drapeaux, d’oriflammes, de panonceaux et de rubans aux couleurs cantonales.
     
    – Le premier à présenter les nouveaux emblèmes enlèvera le marché. Et quel marché, Martin ! Des drapeaux, des fanions, des banderoles, des rubans, toutes les communes du canton vont en vouloir. On en aura besoin pour toutes les fêtes, pour les tirs de villes et de villages ! Il faut être prêt à satisfaire la demande.
     
    Chantenoz admira le réflexe d’entrepreneur de son ami, toujours à l’affût des affaires. Là où les gens ordinaires ne voyaient qu’un événement inattendu, un fait banal, un jeu, l’esprit inventif et pratique de Guillaume le portait à imaginer le parti industriel et commercial qu’on pouvait en tirer. Comme un chien de chasse flaire le gibier, il subodorait dans toute conjoncture un moyen de gagner de l’argent. La frénésie commerciale de Guillaume Métaz semblait trouver une justification supplémentaire et un entregent fortifié dans la paternité et les promesses de la paix.
     
    – Maintenant que j’ai un successeur, c’est pour l’avenir que je travaille. Mais il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! Quand on est parti de peu, comme moi, plusieurs générations sont nécessaires pour construire, autour d’un nom, un ensemble d’entreprises prospères, aux assises assez solides pour résister aux aléas que nous réservent les guerres et les révolutions. Depuis 98, nous en savons quelque chose, hein ! Cependant, cette année, si tout va comme j’espère et si le vin se vend bien, je me ferai mes soixante-quinze mille francs de Suisse.
     
    – Alors, tu seras presque un homme riche, car, d’après M me  de Charrière, il faut avoir au moins quatre-vingt mille francs ou cinquante-sept mille livres de revenu annuel pour entrer dans cette enviable catégorie 3  !
     
    – C’est pourquoi je m’intéresse à tout, mon petit Martin, même si cela te fait sourire et si tu me prends pour un affairiste insatiable et présomptueux.
     

    Depuis son voyage en France, d’où il avait rapporté la conviction que la paix d’Amiens allait faire de l’Europe un grand marché, avec des millions d’hommes et de femmes à nourrir et à vêtir, dont certains plus aisés voudraient posséder des montres ou des pendules, Guillaume Métaz guettait les inventions et les techniques nouvelles. Il avait visité la filature mécanique que Marc-Antoine Pellis venait de construire à Saint-Gall et s’était engagé, à Sainte-Croix, dans une affaire de boîtes à musique, objets très prisés par les Anglais et les Allemands. Depuis que David et Louis Lecoultre, du Brassus, avaient mis au point le cylindre à aiguilles, les artisans, perfectionnant l’invention de l’horloger genevois Antoine Favre, fabriquaient de jolis coffrets musicaux.
     
    Les derniers horlogers veveysans, que la concurrence de Genève et du Jura privait de travail depuis les troubles de la Révolution, s’étaient spécialisés dans la décoration des cadrans et boîtiers de montres. Ils trouvaient maintenant à exercer leur talent sur les couvercles des boîtes à musique.
     
    Guillaume Métaz était à l’origine de cette reconversion tout en regrettant l’époque où Vevey comptait vingt-neuf horlogers, cinq polisseurs et plus de quatre cents ouvriers. Car l’horlogerie veveysanne avait eu son heure de gloire, entre 1725 et 1798. En ce temps-là, les maîtres horlogers veveysans, René Eck, Jean-Baptiste Michod, les Courvoisier, les Perdonnet et les Chiron, avaient formé des douzaines d’artisans patentés, auxquels la corporation délivrait, après présentation d’un chef-d’œuvre, des diplômes d’horlogers et de penduliers assez sélectifs pour qu’on en eût compté seulement quatre-vingt-cinq en soixante-quinze ans !
     
    Si les

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