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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Ceresole, de huit ans son aîné, qui servait dans l’armée française. Ce médecin avait succombé à son tour en soignant les pestiférés d’Alexandrie et, le 3 juillet 1800, Suzanne, qui attendait un enfant, s’était retrouvée veuve pour la seconde fois. Le 24 janvier 1801, un fils lui était né et, les Français quittant l’Égypte, elle était rentrée à Vevey, où résidait encore sa famille.
     
    Tandis que Blanchod rappelait ces événements, Flora et Charlotte échangèrent un regard. Un soir de mai 1800, dans ce même salon, un certain capitaine Fontsalte avait raconté la mort en Égypte du premier mari de Suzanne Roy. Il ignorait alors ce que la jeune veuve était devenue. Depuis ce temps, toute la ville avait eu connaissance du triste destin de cette femme courageuse et très estimée.
     
    Sur la promenade de l’Aile, Axel Métaz rencontrait souvent le petit Auguste Ceresole, plus âgé que lui de trois mois. Tout le monde savait, à Vevey, que Suzanne, veuve de deux officiers français, vivait chichement après avoir vainement tenté d’obtenir une pension de l’armée. Afin de se procurer des ressources, elle avait accepté depuis peu, bien qu’il l’éloignât de Vevey et de son fils, un emploi de dame de compagnie auprès de M me  d’Ermannsdorf, épouse d’un dignitaire de la cour de Saxe, à Wittemberg.
     
    – J’ai appris aujourd’hui par une parente de Suzanne que ce Bonaparte a plus de cœur qu’on croit, dit Blanchod.
     
    – Ah ! Ça, j’aimerais savoir comment cela se manifeste, grommela Flora.
     
    Simon Blanchod prit le temps de déplier ses jambes de montagnard et de s’extraire de son fauteuil, pour jeter une bûche dans la cheminée, avant de boire une gorgée de vin. Ce Vaudois, qui ne faisait jamais un pas plus vite que l’autre, était certain, en temporisant, d’augmenter la curiosité du cercle.
     
    – Je vais te le dire, Flora. Les circonstances de la guerre ont voulu que Bonaparte, qui, en octobre, poursuivait les Prussiens en déroute, fût invité à se mettre à l’abri d’un orage, avec sa suite, dans la maison de M me  d’Ermannsdorf, près de qui se trouvait notre Veveysanne. Suzanne se fit reconnaître par un ami de son premier époux, le général Bertrand, qu’elle avait souvent reçu à sa table en Égypte. Le général voulut savoir comment cette Égyptienne – c’est ainsi, paraît-il, que Bonaparte lui-même appelle ceux qui sont allés aux Pyramides – était devenue dame de compagnie en Saxe. Notre Veveysanne raconta son histoire en présence de l’empereur, dit que, ne percevant aucune pension, elle s’était exilée pour gagner de quoi donner une bonne instruction au fils d’un médecin-major mort de la peste à Alexandrie. L’empereur ne cacha pas, paraît-il, son émotion et décida sur-le-champ d’attribuer à notre Suzanne une pension de mille deux cents francs par an. Il a aussi signé un décret qui permettra au jeune Auguste de faire des études dans un lycée de France aux frais de l’État. La parente de Suzanne m’a dit que Bonaparte a tenu à ce que sa rencontre avec la veuve Ceresole soit rapportée dans le Bulletin de la Grande Armée. On pense qu’elle va rentrer à Vevey dès que les circonstances le permettront 4 .
     
    – Entre nous, elle méritait bien une pension et Napoléon n’a fait que réparer une négligence de Bonaparte. Et puis, mille deux cents francs par an, c’est pas le pactole, dit Guillaume.
     
    – C’est pas le pactole, c’est cependant dix fois ce que reçoit un régent 5 de la petite école depuis que la loi du 26 mai 1806 a fixé leur salaire, observa Chantenoz.
     
    Cette comparaison entre une pension de veuve et le salaire d’un instituteur conduisit Charlotte à poser une question qu’elle agitait, avec Guillaume, depuis que cette fameuse loi sur l’instruction publique rendait l’enseignement obligatoire.
     
    – Dis-moi, Martin, devons-nous envoyer Axel à l’école ? Il aura six ans en avril et, depuis que les petites Ruty vont à l’école lancastérienne 6 , il n’est pas de jour où Axel ne crie en se réveillant : « Je veux aller à lancastre », comme les enfants de la rue. Guillaume est, comme toujours, prêt à céder au caprice de son fils. Je trouve, moi, que notre garçon, à qui Flora a déjà appris ses lettres, et qui sait son ba be bi bo bu, n’en retirera aucun profit et n’apprendra que des sottises. Attendons un peu et il

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