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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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entrera directement au collège. Franchement, qu’en penses-tu ?
     
    Martin Chantenoz, qui enseignait le grec, le latin et le français au grand collège, trouvait à l’école primaire, en plus de sa fonction pédagogique, des vertus éducatives, civiques et sociales.
     
    – C’est sans hésiter, Charlotte, que je te conseille d’envoyer Axel à l’école. L’enseignement mutuel, qu’on pratique à Vevey, est fondé sur de bonnes méthodes pour apprendre aux enfants à lire et à écrire. Et, si tu veux que ton fils soit admis au collège à l’âge de sept ans, il faudra qu’à cette époque il sache lire et écrire passablement, c’est la condition. Et puis Axel est un bon garçon, plein de curiosité et de vie, il doit sortir des jupons des…
     
    – C’est ce que je répète à satiété, interrompit Guillaume.
     
    – Il doit non seulement sortir de tes jupes et de celles de Flora, mais il doit aussi apprendre que d’autres enfants existent, qui n’ont pas sa vie facile, qui ne sont pas filles de notaire ou fils d’apothicaire ! L’école, maintenant obligatoire, a le mérite de mêler toutes les classes, compléta Chantenoz.
     
    – Justement, c’est bien ce qui nous inquiète. Le fils du boulanger, un enfant propre et poli, est devenu grossier comme du pain d’orge depuis qu’il va à lancastre. Il y a appris plus de tours que de lettres de l’alphabet, trancha Flora.
     
    – Et puis l’enseignement mutuel, cette façon de faire instruire des enfants qui ne savent rien par d’autres qui ne savent pas grand-chose, ne me plaît guère, ajouta Charlotte avec une moue de mépris.
     
    – M me  de Maintenon faisait pratiquer l’enseignement mutuel aux demoiselles de Saint-Cyr, observa doucement Blanchod.
     
    – Quand ils sortent de l’école, il faut les entendre traiter les filles de pouines 7 et leurs camarades de chenoilles 8 , reprit Flora, poursuivant sa critique.
     
    – Et alors ! Comment veux-tu qu’un régent qui a deux cents élèves, répartis en dix ou douze groupes de différents niveaux, à surveiller puisse vérifier si tous les enfants ont un langage châtié ou ne font pas de bêtises. Il a déjà bien du mal à les empêcher de graver au couteau des croix sur les tables et à ne pas cracher sur le plancher ! Si tu savais, ma pauvre Flora, que la plupart des enfants entrés à l’école cette année ne parlent et ne comprennent le plus souvent qu’une sorte de patois ! Tu les entends dire appondre pour ajouter, bizingue pour de travers, broussetout pour gilet, cacabot pour tache d’encre. Ils appellent une limace un coitron, un hanneton une cancoire, l’averse la carre et j’en passe. Il faut déjà leur enseigner le français et appliquer les principes de notre maître à tous, Henri Pestalozzi, qui a dit fort justement : « Dans la culture des champs, il est toujours des ressources ; dans l’éducation, une première négligence ne se répare plus. » Inspirée et associée à ces principes, la méthode d’enseignement du père cordelier Grégoire Girard, directeur des écoles de Fribourg, assure, crois-moi, de rapides progrès aux élèves.
     
    Ces arguments confortèrent suffisamment l’opinion de Guillaume Métaz sur l’école pour qu’il décidât sur l’heure, et sans tenir compte de la moue de sa femme, que son fils irait à lancastre.
     
    – Pas avant le printemps, je t’en prie. La chambre d’école du Casino n’est pas chauffée et les petites Ruty y ont attrapé une influenza et des engelures, supplia Charlotte.
     
    – Ce qui ne les décourage pas d’y retourner, s’étonna Flora.
     
    – Bon, bon, c’est bon ! Mais, dès les premiers beaux jours, Axel ira à lancastre et, le dimanche matin, je l’emmènerai au temple. Les sermons qu’il y entendra serviront d’antidote aux grossièretés des écoliers, décréta Guillaume avec autorité.
     
    L’école veveysanne, installée dans le Casino de Vevey, où l’on donnait bals et conférences, pratiquait l’enseignement mutuel bien avant qu’une récente loi eût créé un Conseil académique cantonal, composé de onze membres chargés d’organiser et de contrôler les écoles et la qualité de l’enseignement que l’on y dispensait. Le pays de Vaud, où le régime bernois avait imposé à chaque paroisse, dès 1676, l’obligation d’ouvrir une école, avait une solide tradition éducative, même si les locaux scolaires étaient inconfortables et

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