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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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des espions de ce que préparaient les patriotes, eut l’idée, pour se moquer d’eux, de mettre son chapeau orné de la couronne ducale d’Autriche au bout d’une pique et de faire dresser celle-ci sur la place d’Altdorf. Il exigea que tous ceux qui traversaient la place saluent son chapeau, comme s’il se trouvait lui-même dessous ! Un homme passa devant la pique sans saluer le chapeau. Il se nommait Guillaume Tell. Gessler le fit arrêter et le menaça de mort. Puis, comme il avait entendu dire que Tell était le meilleur tireur à l’arbalète de la contrée, il lui promit la vie sauve s’il se montrait capable de mettre un vireton dans une pomme à cent cinquante pas.
     
    » Guillaume Tell releva le défi mais fut pris d’une grande frayeur quand il vit que le bailli demandait en riant qu’on plaçât la pomme sur la tête du petit garçon de Tell, Walter, qui devait avoir à peu près ton âge, Axel. Guillaume ne renonça pas pour autant. Il embrassa son garçon, lui mit la pomme sur la tête en lui demandant de faire confiance à son père et de rester immobile comme une statue. Tell visa posément, en essayant d’oublier qu’il risquait de tuer Walter, et lança sa flèche. Celle-ci enleva la pomme de la tête de l’enfant qui n’avait pas frémi. Un coup magistral !
     
    Comme Axel écarquillait ses yeux bicolores et béait d’étonnement, Martin termina l’histoire :
     
    » Mais le vilain Gessler était un homme sans parole et sans honneur. Malgré cet exploit et ce qui était convenu, il fit arrêter Guillaume Tell…
     
    – C’est pas juste, c’est un méchant, s’écria Axel.
     
    – Ah ! ça oui ! C’était un méchant ! Mais la justice finit par triompher, car la barque qui emmenait Tell en prison fut prise dans une tempête, sur le lac d’Uri, et Guillaume parvint à s’échapper. Il retrouva ses amis et, avec eux, rassembla les paysans puis engagea la guerre contre les Autrichiens, qui furent chassés de la Suisse.
     
    – Et le méchant ?
     
    – On dit que Guillaume Tell lui envoya un vireton dans la tête… sur laquelle il n’avait, ce jour-là, ni pomme ni chapeau !
     
    – Ça, c’est bien fait pour lui ! conclut l’enfant.
     
    Guillaume Métaz, qui aimait toujours tirer la leçon civique des événements, intervint :
     
    – Il faut que tu te souviennes bien du nom de Guillaume Tell, car c’est l’homme courageux qui a fondé la solidarité et la liberté des premiers cantons, à l’origine de notre grand pays.
     
    – Je me le rappellerai bien, puisqu’il s’appelait comme toi, assura l’enfant.
     
    Axel ayant été envoyé au lit, la conversation sur le même thème se poursuivit entre adultes.
     
    – C’est très bien de raconter des histoires édifiantes aux enfants, mais j’ai lu quelque part que Guillaume Tell n’a jamais existé et, même, que l’arbalète n’avait pas encore été inventée en 1307, dit Flora.
     
    – Pardon, pardon, l’exploit de Tell est rapporté dans ce que les érudits nomment le livre blanc de Sarnen, un registre d’état civil d’Obwald, qui date de 1472 ! protesta Blanchod.
     
    – Et quant à l’arbalète, ma chère Flora, les Français et les Anglais s’en servaient dès le xi e  siècle. Les Romains la connaissaient déjà. Un chroniqueur, Renatus Vegetius, cite cette arme, dans un texte du iv e  siècle, compléta Chantenoz.
     
    – Il se trouve toujours des gens pour remettre en cause les héros, grommela Guillaume.
     
    – Même si l’histoire de Guillaume Tell n’est qu’une belle légende, un avatar du vieux mythe germanique de l’invincible archer, il faut l’entretenir dans l’esprit de la jeunesse, reprit Martin. Ce qui est vrai est ce que l’on croit et tous les peuples ont besoin de meubler leur mémoire collective de mythes édifiants, même au prix de la fable ou de l’exagération. Voyez ce que représente aujourd’hui pour les Français la destruction de la prison de la Bastille à Paris. C’est un épisode inutile et sanguinaire de la Révolution qui, cependant, illustrera dans les temps à venir l’anéantissement de la tyrannie par le peuple. Or on sait maintenant que la Bastille ne contenait pas un prisonnier qui fût des basses classes, mais sept condamnés qui méritaient bien d’être là : quatre faux-monnayeurs, deux fous dangereux que les révolutionnaires tirèrent de leur cachot pour les envoyer à l’asile et un noble

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