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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Lombards et tous les pilleurs sanguinaires que ces barbares entraînaient à leur suite. Et Charlemagne fit, plus tard, de semblables tentatives sans parvenir à de meilleurs résultats. Alors, il ne nous reste qu’à espérer comme Goethe… et Blanchod que la vieille utopie, accouchée aux fers et dans la douleur par Napoléon, donne naissance à une Confédération européenne… viable ! Mais quelque chose me dit, mes amis, que nous aurons encore un enfant mort-né ! conclut Martin.
     
    Simon Blanchod, qui se retirait toujours assez tôt, car il se levait à l’aube, prit congé de ses amis. Dès qu’il fut sorti, de Goethe visionnaire européen, la conversation glissa à Goethe romancier, et Élise Ruty évoqua l’ouvrage célèbre du poète, les Souffrances du jeune Werther , qu’elle venait de lire.
     
    – C’est le roman parfait, le roman neuf de notre temps, il fera école, croyez-moi, dit Chantenoz.
     
    – J’ai aimé Werther, mais je trouve que sa Charlotte est une bécasse et une imprudente. Elle n’a ni le courage de sa passion secrète ni la capacité de dissimuler un sentiment inavouable. On ne peut se résoudre à conduire un homme au suicide par respect des conventions bourgeoises. Il faut savoir ne pas se mettre en situation de susciter une telle adulation. Il faut se dérober à temps, dit la femme du notaire.
     
    – Heureusement, dans la vie courante, les choses ne se passent pas ainsi. Lotte cède ou Werther écrit sa lettre mais… range son pistolet et va en chercher une autre, lança Flora Baldini.
     
    – Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? demanda Guillaume, qui n’avait pas lu le roman.
     
    En trois phrases, Charles Ruty livra le thème de cette tragédie de l’amour.
     
    – Sans le respect des conventions, pas de société possible, observa Métaz, péremptoire.
     
    – Et notre Charlotte à nous, qu’en dit-elle ? fit Martin, sans penser à mal.
     
    M me  Métaz avait perçu dans le propos de Flora l’allusion à sa propre liaison avec Blaise de Fontsalte. La similitude de prénom avec l’héroïne de Goethe ajoutait une acidité supplémentaire au commentaire de l’Italienne. Comme elle se taisait, Guillaume la relança.
     
    – Eh bien ! Charlotte, que penses-tu de l’autre Charlotte ? Hein ! Je suis bien sûr que tu aurais agi de même et laissé cet imbécile suivre son destin. On ne doit pas désirer la femme de son prochain. C’est tout simple !
     
    – Pas si simple que tu crois, mais… Charlotte semble indécise, constata Chantenoz, ironique.
     
    – Et je le suis, confessa, d’un ton badin, Charlotte.
     
    – Quoi ! Tu es indécise ! Eh bien ! Merci ! Alors, si quelque joli cœur te faisait la cour et menaçait de se tuer si tu…, alors tu céderais ? s’indigna faussement Guillaume, qui tenait le propos de sa femme pour simple boutade.
     
    – Non, je ne céderais pas à un chantage au suicide, rassure-toi, bêta ! Mais je sais bien ce que je ferais, à la place de la Lotte de M. Goethe.
     
    – Et que ferais-tu, s’il te plaît ? sollicita Chantenoz, intrigué.
     
    – Je l’enverrais à Flora, pardi ! répliqua M me  Métaz, adressant à son amie un large sourire.
     
    Ce trait provoqua l’hilarité de l’assistance. M. Métaz fut le premier à se réjouir : sa femme avait de l’esprit pour quatre.
     
    – En 1797, l’évêque de Derby, lord Bristol, fit condamner le livre de Goethe comme immoral. Il reprochait au poète d’avoir induit des hommes en tentation de suicide et, même, d’avoir conduit plusieurs désespérés à ce geste fatal, révéla Chantenoz.
     
    – Alors, c’est un mauvais livre et personne ne devrait le lire, déclara Guillaume, un peu agacé que Charlotte eût pu se délecter d’un roman mis à l’index par l’Église.
     
    – Toute censure est odieuse et tout censeur hypocrite, spécialement s’il est de la religion d’Angleterre, répliqua Chantenoz.
     
    – Et que répondit Goethe à cette accusation ? demanda Flora.
     
    – Il dit à peu près que ceux qui se tuaient après avoir lu Werther étaient des esprits faibles et, ce sont ses propres mots, « ne valaient rien pour jouer un rôle raisonnable dans le monde ». En somme, qu’ils ne représentaient pas une grosse perte pour la société. Des imbéciles, comme l’a dit tout à l’heure Guillaume, conclut Martin Chantenoz, dont le ton donnait à penser qu’il n’était pas, comme

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