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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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catholiques, dont le pays avait été placé sous la domination de la Bavière par le traité de Presbourg, ne supportaient plus leurs maîtres munichois qui, pour les espionner, envoyaient dans les confessionnaux des policiers déguisés en femmes ! Encouragés par leurs curés, ils tendaient maintenant des embuscades aux Français et à leurs alliés bavarois. Quant aux Prussiens, ils trouvaient la paix napoléonienne plus insupportable que la guerre. Certains ne souhaitaient que reprendre les armes.
     
    Malgré ses craintes, Guillaume Métaz s’activait et passait le plus clair de son temps sur les routes alpines, allant visiter les chantiers ouverts par les Ponts et Chaussées français pour la construction de la route n° 5, Paris-Milan par Genève. Il offrait ses services, ses matériaux, ses barques et jouait de ses relations pour enlever des marchés. Il se rendait aussi fréquemment à Genève, où l’on traitait les affaires grâce à des banquiers avisés qui entretenaient, en dépit du blocus, des relations avec leurs confrères de Londres et d’Amsterdam. Henri Hentsch, propriétaire à Sécheron, aux portes de Genève, recevait toutes les célébrités de passage, disposait de succursales à Paris et à Lyon, ce qui facilitait les affaires de ses clients, dont M me  de Staël.
     
    Charlotte profitait des absences de son mari pour se rendre à Lausanne, chez sa tante. Elle y retrouvait le cercle des papoteuses érudites, ainsi qu’elle les nommait, de la rue de Bourg. On y entretenait, entre autres souvenirs, celui de M me  de Charrière, morte le 27 décembre 1805. Quand une des invitées de Mathilde Rudmeyer se plaignait de maux inhérents à son âge, la tante de Charlotte citait cette phrase de l’amie disparue, écrite peu de temps avant son trépas : « À peine puis-je me résoudre à parler à un médecin de mes maux ; et lorsque je parle à quelqu’un de ma tristesse, il faut que j’y sois, pour ainsi dire, forcée par un excès d’impatience que je pourrais appeler désespoir. Je ne me montre volontairement que par les distractions que je sais encore quelquefois me donner 15 . »
     
    – Alors, je vous en prie, mesdames, oublions nos corps, même souffrants, et, comme notre regrettée Belle, ne soyons qu’esprit ! concluait invariablement, et avec autorité, la vieille demoiselle.
     
    Invitée à Coppet pour assister, avec près de trois cents invités, à une représentation théâtrale dans la galerie du château ouvrant sur la terrasse, Charlotte Métaz trouva M me  de Staël tantôt excitée, tantôt courroucée, en tout cas moins aimable que d’habitude. Comme elle en faisait la remarque à Mathilde en regagnant l’auberge où les deux femmes avaient leurs habitudes, M lle  Rudmeyer, bien qu’il fût près de minuit, invita sa nièce à prendre une tasse de tilleul dans sa chambre. Dès que l’infusion fut servie, elle baissa le ton pour demander :
     
    – Es-tu capable de garder un secret ?
     
    – Il y a dix ans que j’en porte un, dont vous savez le poids, ma tante !
     
    – Eh bien ! je vais te dire pourquoi la Staël avait, ce soir, ce comportement changeant. Elle a appris, il y a peu de jours, que M. Benjamin Constant a épousé en secret, il y aura bientôt un an, une jolie femme déjà deux fois divorcée, Charlotte de Hardenberg, fille d’un diplomate du Hanovre et, tiens-toi, filleule du roi d’Angleterre !
     
    – En secret… une femme deux fois divorcée ! Et encore une Charlotte ! s’étonna gaiement M me  Métaz, qui commençait à trouver son prénom fort répandu dans les affaires de cœur.
     
    – Oui, ma belle ! Ils se sont mariés le 5 juin 1808, il y a un an, à Brévans, dans le Jura, chez le père de Benjamin, le général Juste Constant de Rebecque, que je connais bien. L’épouse, âgée de quarante ans, seulement trois ans de moins que Germaine, avait donné quatre mois à Constant pour rompre avec la châtelaine de Coppet, où il continuait à séjourner, à participer aux représentations, à se conduire comme l’amant en titre, supportant les scènes de M me  de Staël, qui avait eu vent de l’intrigue avec M me  de Hardenberg mais n’imaginait pas le reste.
     
    – Mais on disait autrefois que M. Constant devait épouser M me  de Staël…
     
    – Elle n’a pas voulu de lui comme mari. Afin de ne pas compromettre la fortune de ses enfants, disait-elle. Car M. Constant est joueur. C’est ce

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