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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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adressait régulièrement. Elle ne pouvait, hélas, en faire état que devant Flora ou au cours de conversations avec sa tante.
     
    C’est ainsi qu’elle avait confié à M lle  Rudmeyer que M me  de Staël faisait l’objet d’une surveillance particulière, la police impériale la soupçonnant fortement d’entretenir des relations autres que littéraires avec les Prussiens et les Autrichiens. Blaise avait raconté que, lors de son voyage à Vienne, en 1808, la châtelaine de Coppet avait rencontré, non seulement les membres du groupe Prometheus , revue littéraire d’opposition à Napoléon, mais, à plusieurs reprises, Frédéric von Gentz, publiciste, écrivain mercenaire au service de la Prusse et de l’Autriche, agent anglais en même temps qu’espion de Metternich. On savait aussi, aux Affaires secrètes, que la dame de Coppet avait eu à Vienne une liaison, passagère mais passionnée, avec un Irlandais, officier au service de l’Autriche, le comte Maurice O’Donnell von Tyrconnel, plus jeune qu’elle de quinze ans. Comme des adolescents amoureux, ils avaient gravé leurs initiales entrelacées sur les arbres et vilipendé Napoléon entre deux baisers.
     
    Lors de sa visite du mois d’août, Fontsalte avait précisé, en confidence, que sa mission consistait alors à rappeler à M. Ignace Brugière de Barante, préfet du département du Léman, résidant à Genève, les ordres de l’empereur. Coppet devait être surveillé et tous les visiteurs de M me  de Staël identifiés, afin que l’on sût ce qui se tramait au château. Blaise avait rapporté fidèlement à sa maîtresse les consignes de Napoléon au préfet : « Vous ferez connaître à M me  de Staël que, jusqu’à cette heure, on l’avait regardée comme une folle, mais qu’aujourd’hui elle commence à entrer dans une coterie contraire à la tranquillité publique. » Le général n’avait pas caché à Dorette qu’il trouvait le préfet Barante peu informé sur les intellectuels, italiens, allemands, suisses, français, portugais, et même danois, qui fréquentaient Coppet, véritable foyer antibonapartiste, et trop conciliant avec la châtelaine, que l’on disait occupée à la rédaction d’un ouvrage sur l’Allemagne.
     
    « Quand on sait que Prosper de Barante, fils du préfet du Léman et présentement préfet de Vendée, a été l’un des soupirants comblés de la Staël, avant d’épouser M me  d’Houdetot, petite-fille de la belle amie de Jean-Jacques Rousseau, on conçoit que le représentant du gouvernement impérial à Genève puisse être gêné aux entournures quand il s’agit de sévir contre une ancienne maîtresse de son fils », avait ajouté Blaise.
     
    M me  Métaz, qui avait, comme sa tante, une vive admiration pour Germaine de Staël et raffolait des invitations à Coppet, s’était récriée que Germaine souffrait d’être contrainte à l’exil, que son opposition à Napoléon venait essentiellement du mépris dans lequel la tenait l’empereur, qui semblait dénier aux poètes et aux écrivains tout sens politique. Elle avait conclu en affirmant que les gens de Coppet ne souhaitaient nullement le retour des Bourbons, que leurs idées étaient aussi confuses et utopiques que généreuses et qu’il ne fallait pas y voir de menaces pour l’Empire. Tous les habitués de Coppet déploraient, en revanche, ouvertement que la France fût en état de guerre perpétuelle avec des puissances menacées et effrayées par les ambitions territoriales de Bonaparte.
     
    Au risque de déplaire à son amant, Dorette avait renchéri en disant que bon nombre de Vaudois, par ailleurs circonspects à l’égard de M me  de Staël – les bourgeois la tenaient pour licencieuse – étaient dans les mêmes dispositions d’esprit et partageaient, sans savoir les formuler aussi bien, les craintes des amis de la châtelaine.
     
    Comme Dorette vantait encore la générosité et le désintéressement de M me  de Staël, Blaise de Fontsalte avait éclaté de rire. « Ne soyez pas si naïve, mon amie. Il y a aussi derrière les beaux sentiments et les nobles causes dont on vous abreuve à Coppet une question d’amour-propre, une bonne dose de vanité et aussi une affaire de gros sous ! Peut-être ignorez-vous que Germaine de Staël réclame, depuis des années, à l’empereur le remboursement d’une somme de deux millions quatre cent mille francs que son père, M. Necker, alors directeur des

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