Helvétie
me Métaz. Ayant mis son cheval au pas, elle progressa avec circonspection et, comme les marques confuses de roues et de sabots se prolongeaient au-delà d’une barrière qui fermait l’accès au moulin, elle commença à s’interroger. Quel visiteur indiscret avait pu s’aventurer jusque-là avec une voiture ?
L’idée que Blaise fût arrivé à l’improviste, pendant qu’elle était chez sa tante, l’effleura, mais elle rejeta cette pensée. La dernière lettre du général, expédiée en juin d’Autriche, ne laissait nullement présager une visite au cours de l’été. Devant l’écurie vide et le hangar aux voitures désert, des traces plus visibles dans le sable humide la rassurèrent : le ou les visiteurs avaient fait demi-tour devant la maison. Ses battements de cœur s’accélérèrent pourtant quand, au moment de mettre la clé dans la serrure, elle constata que la porte n’était pas fermée. Elle pensa aussitôt que des voleurs avaient pu s’introduire dans le moulin, pour dérober l’argenterie et le linge, mais, le seuil franchi, elle fut détrompée. Une odeur de tabac qu’elle reconnut lui révéla que son amant était dans la maison. Un verre, une bouteille et deux pipes abandonnées sur la table le lui confirmèrent. Elle se retint de crier le nom de Blaise et poussa la porte de la chambre. Il dormait dans le milieu du lit, nu sous le drap à demi rejeté, la tête reposant sur un bras replié. Elle fut tentée d’embrasser l’épaule, marquée d’une cicatrice dont elle connaissait l’origine, mais se retint et resta un moment penchée sur le visage qu’elle n’avait pas vu depuis trois ans. Les joues et le menton attendaient le rasoir ; les favoris bruns, bouclés comme les cheveux drus, étaient maintenant niellés de quelques fils argentés.
Le désir vint à Charlotte de réveiller Blaise d’un baiser ou d’une caresse sur la poitrine, mais elle s’abstint. Pour dormir aussi profondément, Fontsalte devait être exténué par un voyage dont elle ne pouvait rien imaginer. Alors, elle ôta ses vêtements et se glissa, nue, près du dormeur.
1 En patois vaudois : bigleux.
2 En patois vaudois : billes de verre coloré.
3 En patois vaudois : personne de grande taille.
4 Vieux mot français, usuel dans le canton de Vaud, désignant l’ensemble de ceux qui fréquentent, ou ont fréquenté, la même classe.
5 Sorte de jeu du chat perché compliqué par l’obligation, pour celui qui avait été touché avant de se percher, de courir pour tenter de toucher un autre joueur en se tenant la partie du corps où il avait été lui-même atteint.
6 Témoin de bois que deux équipes de joueurs se lançaient et relançaient au moyen de bâtons, en s’efforçant de renvoyer le parade avant qu’il ne touche terre. Peut-être une des origines du base-ball.
7 Variante du jeu français dit balle au chasseur.
8 Ancienne mesure de capacité, qui variait selon les pays et les matières mesurées. Le setier veveysan valait environ 48,3 litres, c’est-à-dire 32 pots de Vevey.
9 Le repas du soir, pris vers dix-neuf heures, le mot dîner désignant le repas de midi.
10 Cité dans la brochure Centenaire du bâtiment du collège de Vevey , Société de l’imprimerie et lithographie Klausfelder, Vevey, 1938.
11 Ce remarquable officier, propriétaire du régiment Vieux-Reding, s’était distingué, en 1793 et 1794, dans les campagnes contre les Français. Général de division dans la campagne du Portugal, en 1800-1801, gouverneur de Málaga en 1803, il fut nommé, en 1808, commandant en chef de l’armée d’Andalousie, par la Junte espagnole. Il contribua largement, avec les troupes suisses, à la victoire de Bailén. Il mourut en 1809, à Tarragone, où un monument lui a été élevé.
12 Entretiens de Goethe avec le chancelier Friedrich von Müller , traduction par Albert Beguin, librairie Stock, Delamain et Boutelleau, Paris, 1930 (notes prises par Goethe à l’instigation du chancelier).
13 Aujourd’hui rue des Deux-Marchés.
14 La maison devint propriété en 1816 de M me Briatte, née Delom, puis en 1861 de M e F.-L. Mayor, notaire à Vevey, qui la vendit en 1863 à Jean-Louis-Philippe Rod, lequel la céda, pour 90 000 francs suisses, le 21 janvier 1896, à M. Benjamin Nicole, pharmacien à Vevey, dont les descendants occupaient encore cette demeure en 1992. D’après Fédia Muller, Images
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