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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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déferlaient sur l’eau jusqu’au rivage. Bientôt apparut, au milieu de ce carrousel, la grande barque de la ville, montée par la Garde nationale. Elle précédait la nef du roi de l’Exercice, qu’encadraient deux autres barques, sous grand pavois, et un brigantin, commandé par M. Durovray, sorte d’amiral genevois. Devant les enfants ébahis et les citadins fiers de leur flottille, plus de deux cents bateaux, tant à voiles qu’à rames, paradèrent dans la rade, entre les Pâquis et les Eaux-Vives. Le plaisir des enfants, mêlé d’une vague crainte, fut à son comble quand ils virent débarquer d’une longue pirogue couverte de feuillage deux douzaines de Sauvages à demi nus, tatoués, armés d’arcs et de flèches, qui se mirent à danser une ronde frénétique sur le gazon, à la manière, assura un monsieur informé, des Mattapans d’Amérique ! Ces Indiens de fantaisie rappelèrent, à ceux et à celles qui connaissaient l’histoire de leur ville, que des huguenots s’étaient autrefois expatriés en Floride, à l’instigation de l’amiral Coligny, pour fonder La Jeune-Genève, cité mythique dont on ne sut jamais rien !
     
    Très en beauté dans une robe de mousseline blanche, égayée par un canezou de taffetas rose et joliment chapeautée d’une capeline en paille d’Italie ornée d’une plume d’autruche, M me  Métaz regretta de ne pouvoir, la parade terminée, quitter la tribune au bras de Blaise. Le général, en habit bleu impérial à collet écarlate aux devants, poches et pans ornés de feuilles de chêne brodées au fil d’or, portait avec aisance culotte, bas blancs et souliers à boucles. Beaucoup de dames genevoises, qui avaient admiré à la dérobée sa prestance, cherchaient maintenant à se le faire présenter, ce qui agaça Charlotte et fit sourire Flora.
     
    Les amants ne devaient se revoir qu’une fois, le même jour, à la nuit tombée, quand le hasard les fit se rencontrer dans la foule venue assister au feu d’artifice tiré à partir de l’île aux Barques. Charlotte se laissa distancer par ses amies et le groupe d’enfants excités par la sortie nocturne et Blaise, depuis un moment attaché à ses pas, l’entraîna dans une ruelle. Tels des amoureux du jour, ils échangèrent sous une porte cochère un baiser furtif et se donnèrent rendez-vous à Loèche-les-Bains.
     
    – Ne nous suivez plus maintenant, je vous en prie, j’ai trop peur qu’on ne remarque notre manège, exigea Charlotte.
     
    Blaise, respectueux, s’inclina. Comme il n’avait aucun goût pour les réjouissances populaires et devait rédiger son rapport quotidien à l’intention du général Ribeyre, il regagna la préfecture, laissant sa maîtresse à la recherche des siens.
     
    Le lendemain, au grand soleil, la vie genevoise reprit le rythme d’une cité commerçante pressée par les affaires. Les enfants, grognons pour s’être endormis trop tard, furent chargés comme ballots dans le grand coupé des Métaz. Dans les rues, les chars et charrettes avaient remplacé calèches et cabriolets. Sur le plan d’eau de la rade, les barques ventrues, dépouillées de leurs fanfreluches comme des ouvrières un lendemain de bal, ne transportaient plus joyeux musiciens ou demoiselles caquetantes, mais des tonneaux, des planches, du sable, des pierres, des caisses, des paniers de légumes, de fruits, de poissons. Du bel Exercice de la Navigation ne restait qu’un tapis de confetti que balayaient les cantonniers et, lianes de papier suspendues aux branches des arbres, des flots de serpentins que les gamins se disputaient.
     
    Dans les journaux, des polygraphes lyriques rapportaient les échos de la fête et, après s’être apitoyés sur le sort de l’impératrice divorcée, peignaient avec émotion cette belle femme promenant son chien Askim ou s’intéressant aux cygnes venus quêter leur nourriture auprès des lavandières d’un bateau-lavoir amarré au pied de la tour de l’île. Un chroniqueur attribuait à Joséphine la prise en considération, en 1804, par le commissaire des guerres français à Genève, de la prière adressée par le maire de la ville aux autorités impériales « afin que, lors de l’adjudication de la pêche dans les fossés des fortifications, les cygnes qui les ornent ne soient point inquiétés 6  ». Joséphine n’élevait-elle pas des cygnes noirs à Malmaison ?
     
    – Il y a de la Léda dans cette créature, commenta Flora qui, pour

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