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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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fillette passait toutes ses vacances chez sa grand-mère Rudmeyer, dans le vieux fief catholique d’Échallens. Plus que l’ambiance papiste, elle appréciait chez la riche veuve un grand confort bourgeois et surtout le fait d’être la seule personne qui comptât aux yeux de son aïeule et des domestiques. À Rive-Reine, la forte personnalité d’Axel réduisait Blandine au rôle, très secondaire, de petite sœur et ses amies, Nadine et Nadette Ruty, de trois ans plus âgées qu’elle, se comportaient trop souvent en garçons manqués pour lui plaire. Et puis celles-ci appartenaient, elles aussi, à la religion réformée. Élise, leur mère, s’était en effet convertie au protestantisme la veille de son mariage avec le notaire Charles Ruty.
     
    Le dimanche matin, on voyait Guillaume conduire son fils à l’office de neuf heures, à Saint-Martin, et Charlotte s’en aller, en cabriolet, avec sa fille à La Tour-de-Peilz, où un prêtre invité disait la messe et donnait la communion chez un bourgeois. Si Blandine suivait avec recueillement la célébration de la messe, son frère, pendant ce temps, devait, après le culte des enfants protestants, assister au cours de l’école du dimanche donné par un étudiant en théologie venu de Lausanne. Entre onze heures et midi, les enfants, répartis en différents groupes d’âge, entendaient évoquer certains épisodes, prudemment expurgés, de la Bible. Création du monde, fabrication de l’homme et de la femme, dynasties éternelles, prophètes chenus et prolifiques, violences, exodes, cataclysmes et miracles paraissaient à Axel de la plus haute fantaisie et parfois franchement comiques. Il prenait ces récits pour autant d’aventures fabuleuses et n’y ajoutait pas plus foi qu’aux Voyages merveilleux et aventures du baron de Münchhausen , que Chantenoz lui avait donnés à lire.
     
    Si l’assiduité à l’office du dimanche n’eût été contrôlable et contrôlée par son père, Axel Métaz serait allé jouer aux billes avec les garnements du quartier, sur l’esplanade Saint-Martin. Hélas, tout élève présent au catéchisme recevait un carton découpé en forme de grappe de raisin, sur lequel il devait coller, chaque dimanche, un petit disque de papier coloré représentant un grain, distribué à la fin du cours. M. Métaz ne manquait jamais de jeter un regard de biais à la pieuse vendange de son fils. Seul agrément d’une telle pratique : toute grappe complète donnait droit à un bon point. Celui qui réunissait douze bons points recevait, en récompense, un livre de psaumes. Axel, qui ne convoitait pas ce genre d’ouvrage, cédait ses bons points, contre un sucre d’orge, au fils très pieux de l’apothicaire.
     
    Bien qu’il n’eût jamais manifesté à l’égard de sa sœur puînée une tendresse qui n’était pas dans sa nature, Axel ressentit, cet été-là, un peu de tristesse à la perspective de voir Blandine s’éloigner de la maison familiale. Au moment de partir, comme chaque année, en vacances à Échallens, chez sa grand-mère, la fillette annonça qu’ils ne se reverraient pas avant longtemps.
     
    – À la rentrée prochaine, j’irai comme pensionnaire à Fribourg, à l’institut Sainte-Ursule, comme maman. Peut-être que les ursulines donneront congé à Noël, mais c’est pas sûr, expliqua-t-elle sans marquer d’émotion.
     
    Les petites Ruty étant parties avec leur mère pour le pays d’En-Haut, où vivaient leurs grands-parents, fin août, aux plus beaux jours, Axel se retrouva seul avec son père et sans compagnes de jeux à Rive-Reine.
     
    Charlotte Métaz avait quitté Vevey pour Loèche-les-Bains depuis une dizaine de jours quand Martin Chantenoz, qui se devait, même au temps des vacances, d’occuper son élève, émit une idée qui enthousiasma Axel.
     
    – Si ton père le veut bien, nous pourrions aller jusqu’à Loèche chercher ta mère, dont la cure va bientôt se terminer. Ce serait pour toi, qui n’as pas de vraies vacances, comme ta sœur et les collégiens ordinaires, une excursion instructive. Tu découvrirais le Valais, la nouvelle route du Simplon, si belle, dit-on, et tu apprendrais, sur place, les vertus bienfaisantes des eaux thermales que les Romains connaissaient déjà.
     
    – Et puis nous éviterions à maman le retour en diligence…, nous lui ferions une bonne surprise, en arrivant, comme ça, sans la prévenir ! Oh ! oui, il faut décider papa !
     
    Le

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