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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Certains affirmaient que les eaux des sources, chargées de sels minéraux, les bains tièdes, les douches cinglantes, le climat, les déshabillages fréquents, préjudice infligé à la pudeur, les massages, la vacuité, l’ambiance hôtelière, les mets et les vins échauffants attisaient les désirs, troublaient les sens, stimulaient les bas instincts, émoussaient la vertu, conduisaient à l’oubli de la fidélité conjugale, poussaient à une recherche folâtre, quasi hystérique des plaisirs et jouissances.
     
    Les eaux de Loèche, sulfatées, calciques, gypseuses, propres à soigner le rhumatisme, la goutte, les anémies et ce qu’on appelait pudiquement les maladies de la femme, avaient aussi la capacité attrayante de dorer… provisoirement les pièces d’argent. Les chimistes expliquaient qu’une partie de l’oxyde de fer contenu dans l’eau se déposait à la surface de l’argent par « une sorte de procédé galvanique naturel ».
     
    Charlotte avait-elle été victime d’une telle altération morale pour s’abandonner ainsi au premier venu un peu entreprenant ?
     
    À l’aube naissante, Martin Chantenoz sortit de la chambre, avant que le portier eût eu loisir de le réveiller.
     
    – Monsieur a bien raison d’aller promener avant le bain. Il fait encore frais, mais nous aurons une belle journée.
     
    – Mon élève dort toujours. S’il se réveille avant mon retour, que la servante s’en occupe et lui serve un copieux déjeuner. C’est un garçon qui a de l’appétit, se contenta de répondre Chantenoz en quittant l’hôtel.
     
    Une brume blanchâtre, dense et chargée d’humidité, cachait les montagnes et baignait le bourg thermal. Martin releva le col de son habit et se dirigea vers la terrasse de l’hôtel des Bains. Toutes les portes et fenêtres des chambres étaient encore closes. Les bains installés dans chaque hôtel n’ouvrant qu’à huit heures, les curistes reposaient jusqu’à ce qu’une cloche les appelât aux soins ou à la collation. Chantenoz choisit, pour prendre faction, le banc placé en face de la chambre de M me  Métaz. Il était décidé à rester là jusqu’à ce que l’homme ou Charlotte parût. Plus d’une heure s’écoula et le guetteur commençait à frissonner quand la porte-fenêtre s’ouvrit. L’homme se montra dans la lumière blafarde tandis qu’on refermait l’huis derrière lui. Il aurait dû manifester quelque surprise à la vue d’un quidam assis, au lever du jour, sur un banc humide de rosée, au bord d’une terrasse déserte et qui paraissait attendre la dissipation du brouillard. Or le gaillard qui s’avançait ne marqua nul étonnement. Il traversa la terrasse d’un pas ferme et salua Chantenoz d’un signe de tête, en ajoutant dans un français sans accent et du ton d’un habitué de la montagne : « Dans une heure, le soleil brillera. Nous aurons un temps parfait pour les excursions. Bonne journée, monsieur. »
     
    Son chapeau rabattu sur les yeux, Martin faillit ne pas rendre son salut à l’étranger, tant fut forte sa surprise quand il reconnut dans le regard du compagnon de Charlotte celui d’Axel. L’homme à l’œil vairon disparut avant que Martin eût réalisé qu’il avait déjà entendu cette voix et vu ce visage à favoris et moustache. C’était il y avait bien longtemps…, un soir, à la veillée chez les Métaz…, un officier français de passage. Seul lui avait alors échappé, à cause des faibles lumières du salon, le regard bicolore qui, subitement, expliquait tout !
     
    Martin Chantenoz, accablé par la révélation, se recroquevilla sur le banc, comme un homme durement frappé à l’estomac. Incapable de bouger, ni même de penser, il serait resté longtemps prostré si un valet, chargé de balayer la terrasse avant l’arrivée des premiers clients, ne lui avait touché l’épaule.
     
    – Quelque chose ne va pas, monsieur ? demanda l’homme en schwyzerdütsch.
     
    – Non…, non…, ça va bien… Je réfléchissais seulement à… ce que j’allais commander pour mon déjeuner, mon garçon. Merci, répondit Martin, dans cet allemand bâtard que comprenaient presque tous les Suisses.
     
    – On servira dès que j’aurai nettoyé un peu par là, monsieur. Mais, si Monsieur veut rentrer dans l’hôtel, on peut le servir tout de suite. Les fourneaux sont allumés…
     
    Quand le valet eut disparu, Chantenoz avait retrouvé son sang-froid et pris ses

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