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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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passer la Berezina, autre rivière gelée. La Grande Armée n’était déjà plus qu’une longue cohorte de fantômes frissonnants, à la barbe et aux moustaches ourlées de glaçons !
     
    Le 4 e  régiment, dont le narrateur avait dû prendre le commandement, ses chefs ayant été tués, se trouva réduit à deux cents hommes quand le Styx russe fut franchi. Les habits rouges des Suisses étaient reconnaissables de loin sur la neige et la glace. Plus de dix mille d’entre eux, officiers, sous-officiers et soldats, sur les quatre-vingt-dix mille hommes que la Confédération avait fournis à la Grande Armée, ne rentreraient jamais au pays. Quant aux huit cents Suisses survivants de cette boucherie, ils étaient déjà regroupés sous les ordres du général Amey. Certains murmuraient que le bataillon serait envoyé en Hollande, car on savait, la Prusse ayant fait alliance avec la Russie, qu’une nouvelle coalition, la sixième, s’organisait contre la France, saignée à blanc et abandonnée par la Victoire.
     

    Les Vaudois venaient d’apprendre par leurs gazettes que la Prusse avait, en effet, déclaré la guerre à la France le 16 mars 1813 et que Pie VII dénonçait le nouveau concordat, signé à Fontainebleau le 25 janvier, quand M me  Métaz reçut enfin un message du général Fontsalte.
     
    La lettre de Blaise était datée de Paris, où Ribeyre avait rappelé son ami au service des Affaires secrètes. L’officier, rentré de Russie en France en décembre 1812, précédant de peu l’empereur, annonçait son passage à l’hôtel du Lion d’or, à Lausanne, vers le 15 avril. C’est au cours de ce bref séjour de son amant que Charlotte apprit ce qui s’était passé depuis leur dernière rencontre.
     
    Le général refusa de commenter la trop sanglante et humiliante campagne de Russie. Il s’était battu certains jours avec la hargne du désespoir. S’il revenait sans grand dommage physique autre que des rides nouvelles, une peau tannée par le gel et des favoris plus gris que bruns, Charlotte sentit que la foi du soldat en Bonaparte était entamée et qu’il redoutait, pour la France, des malheurs à venir.
     
    Il raconta aisément, en revanche, comment, dès son arrivée à Paris, il avait été promu général de division, bien qu’il eût refusé d’organiser, comme le souhaitait Savary, un nouveau service d’espionnage au sein même du grand quartier général. Napoléon, rendu circonspect par les complots, voulait « connaître la conduite de chacun de ses officiers du plus petit au plus grand ». Il n’était pas dans la nature de Fontsalte, ni dans celle de Ribeyre, d’épier les actes et de sonder les pensées d’officiers dont ils avaient apprécié la bravoure au feu. Les deux hommes avaient, d’une seule voix, demandé à être renvoyés aux armées.
     
    « On ne va pas risquer de perdre des officiers de cette trempe sur un coup de fusil », avait déclaré le chef d’état-major en refusant leur demande. Blaise avait alors accepté d’organiser le contrôle des agents entretenus en Angleterre, notamment à Hartwell House, où résidait le comte de Provence, reconnu comme Louis XVIII par les monarchistes.
     
    On commençait en effet à douter que ces espions, dont le duc d’Aumont, que Savary payait vingt-quatre mille francs par an pour envoyer deux rapports par mois, n’aient secrètement opté, après le désastre russe, pour les ennemis de l’empereur. Ribeyre considérait que l’appui apporté par les royalistes intransigeants à la conspiration du général Malet, républicain exalté, et le silence des espions français en Angleterre à ce moment-là permettaient de douter de la fiabilité du réseau d’outre-Manche. Comme M me  Métaz ignorait tout de l’affaire Malet, Blaise la résuma en tirant sur sa pipe et dégustant le vin de Belle-Ombre, lové sur une couverture devant la cheminée du moulin où Trévotte venait d’allumer un bon feu.
     
    Le général Malet avait réussi, entre quatre heures du matin et midi, le 23 octobre 1812, à faire croire que Napoléon avait été tué en Russie et qu’il convenait de nommer un gouvernement provisoire, qu’il avait tiré, tout composé, de sa poche. Ancien mousquetaire du roi, Claude-François de Malet, de noble extraction, s’était mué, dès 1789, en républicain acharné, approuvant la Révolution dans ses plus sanglantes manifestations. Il appartenait déjà à la catégorie des

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