Helvétie
dit-il à son maître alors qu’au Bargello Chantenoz tentait d’arracher son élève à la contemplation de la vertu opprimant le vice, de Jean de Bologne.
Le lendemain, dans les jardins Boboli, le précepteur comprit mieux encore qu’Axel était sorti de l’enfance. Martin, attendri, se détourna et se mit à polir ses verres de lunettes quand il vit Axel poser une main timide sur la cuisse de marbre d’une vénus callipyge !
Au retour de voyage, Axel, qui avait tant de choses à raconter, fut un peu déçu de ne pas retenir aussi aisément l’attention qu’il l’avait escompté. L’Europe s’étant embrasée d’un bout à l’autre, les Vaudois, toujours attachés, dans leur grande majorité, au destin de Napoléon, avaient de quoi être soucieux. M me Métaz, inquiète pour son amant, ne manifestait pas grand intérêt aux récits de son fils ; Guillaume, préoccupé par ses affaires, paraissait d’humeur maussade, comme Blanchod, comme les Ruty, comme la plupart des gens du cercle de Rive-Reine. Seules les sœurs Baldini semblaient à l’aise et tendaient une oreille complaisante aux descriptions d’Axel. Cette morosité générale, même si elle avait des causes diverses suivant les gens, était, chaque jour, alimentée par de nouveaux événements, dont aucun ne pouvait réjouir les Veveysans.
Après quelques victoires, à Lützen et à Bautzen notamment, un armistice signé à Pleswitz le 4 juin, une tentative de médiation de l’Autriche, l’échec d’un congrès réuni à Prague, l’existence de l’Empire français paraissait maintenant menacée. L’Autriche, ayant rejoint la Russie, la Prusse et l’Angleterre, avait déclaré la guerre à la France le 12 août. Puis la Bavière avait fait défection et opté pour la coalition. Bien que les coalisés aient souffert à Dresde une défaite qui leur avait coûté six mille hommes, ils s’étaient ressaisis et, du 16 au 19 octobre, une bataille titanesque s’était déroulée autour de Leipzig. Les Français avaient affronté, en trois jours, toutes les armées d’Europe : Autrichiens, Prussiens, Bavarois, Russes et les Suédois de Bernadotte.
Ces affrontements, les plus sanglants de la campagne d’Allemagne, avaient mis hors de combat cinquante mille Français, dont vingt mille tués. Les coalisés, que les gazettes appelaient maintenant les Alliés, avaient perdu soixante mille hommes, tués ou blessés.
Pendant ce temps, les Anglais, qui avaient libéré le Portugal dès 1809 et soutenaient, depuis, la cause espagnole, en aidant la guérilla et en faisant marcher des troupes contre les Français, avaient, sous les ordres de Wellington, remporté plusieurs victoires et chassé les Français d’Espagne. Dès le mois de juin, Joseph Bonaparte s’était, une fois de plus, enfui de Madrid, pour se réfugier à Saint-Jean-de-Luz, après avoir échappé de peu à la capture.
Depuis le 8 octobre, les troupes anglaises passaient les Pyrénées et marchaient vers Toulouse tandis que les restes de la Grande Armée, poursuivis par les Alliés, refluaient vers le Rhin.
Maintenant, les abandons français se succédaient, faisant craindre une marche des Alliés sur Paris. Le 24 novembre, Amsterdam fut évacuée et la maison d’Orange rétablie dans ses droits. Le 11 décembre, Napoléon, renonçant à l’Espagne, céda le trône de son frère, Joseph, à Ferdinand VII.
Le 19 décembre, Vevey apprit que les Autrichiens passaient le Rhin à Schaffhouse et, dès lors, on suivit la progression du corps d’armée qui, malgré les promesses faites par le tsar Alexandre I er , se préparait à violer la neutralité de la Suisse, qu’une petite armée fédérale, commandée par Wattenwyl, était bien incapable de défendre. Quant aux envoyés des Alliés, le chevalier de Lebzeltern pour l’Autriche et le comte Jean Capo d’Istria, médecin et aristocrate grec de Corfou, pour le tsar Alexandre, présents à Zurich depuis le 21 novembre, ils avaient pour mission d’obliger la Suisse à rompre tous ses liens avec l’Empire français, en abrogeant l’Acte de Médiation de 1803. Si le représentant autrichien avait reçu pour consigne de dissoudre la Confédération et de rétablir l’ancien régime, c’est-à-dire de rendre autorité, prérogatives et domaines à Leurs Excellences de Berne, en s’appuyant sur l’oligarchie évincée par la Révolution de 1798, le délégué du tsar
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