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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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tout sur ce charmant garçon, qui s’est bien battu en Espagne ! Et je peux vous dire qu’avec la même discrétion qu’elle mit à quitter Coppet, en mai de l’an dernier, la Staël avait accouché, un mois et demi plus tôt, le 7 avril, d’un fils, dont l’heureux père est ce brave hussard de Rocca ! Il a vingt-quatre ans, elle en compte quarante-six !
     
    – Moi aussi, je serai bientôt une vieille femme. Vous savez ce que l’on dit chez nous : « Après trente ans, une femme ne peut qu’offrir ce que personne ne veut. »
     
    – Je suis toujours preneur de ce que vous avez à offrir, Dorette !
     
    – Cependant j’ai trente-deux ans et…
     
    – Moi trente-trois, l’âge auquel le Christ est mort. Je me disais cela, dans le froid et sous le feu des cosaques, quand nous marchions, derrière l’empereur, vers les deux derniers ponts jetés sur la Berezina. Nous étions bien vingt généraux démontés, portant les aigles de nos régiments anéantis. Titus me soutenait de sa verve, répétant qu’il disposait d’un avantage personnel : « Ma jambe de bois ne gèlera pas et, si vous manquez de quoi chauffer votre café, général, je la brûlerai ! » Brave Titus ! Il a dû achever Yorick, mon vieux cheval pris par le gel. Enfin, nous sommes passés et je suis là, conclut Blaise en attirant Charlotte contre lui.
     
    Les amants n’eurent qu’une nuit pour s’aimer et quand, au matin, vint pour le général Fontsalte le moment de quitter le moulin, il serra plus tendrement que jamais Charlotte dans ses bras.
     
    – Quand vous reverrai-je ? ne put-elle s’empêcher de demander, cette fois, alors qu’il se préparait à monter dans la berline avancée par Trévotte.
     
    Fontsalte interrompit son mouvement et revint vers celle qui, de simple maîtresse, était devenue la femme qu’il aimait.
     
    – J’ai le sentiment que nous allons vers le dénouement. Les batailles qui s’annoncent seront décisives, Dorette. Je ne veux pas manquer le dernier acte. Vainqueur ou vaincu, c’est vers toi que je reviendrai, acheva Blaise, tutoyant Charlotte pour la première fois.
     
    Ils échangèrent un dernier baiser et le général s’engouffra dans sa voiture.
     
    – Je vous le ramènerai, parole de Bourguignon, dit Trévotte en fermant la portière.
     

    C’est au cours de l’été 1813 qu’Axel Métaz fit, avec son précepteur, son premier grand voyage en Italie. La diligence les porta, en soixante-deux heures, de Villeneuve à Milan, par la route du Simplon via Brigue et Domodossola. Chantenoz trouva cette route « digne d’une voie romaine » et Axel admira que des hommes aient pu entailler la montagne, tracer une chaussée roulante de quinze lieues côtoyant, derrière des parapets rassurants, les sombres précipices que franchissaient des ponts d’apparence fragile mais sûrs.
     
    Milan fut, pour le garçon, une leçon d’architecture, mais Florence lui offrit d’éblouissantes révélations. Plus que le Dôme, couronné par la coupole de Brunelleschi, les tableaux, rassemblés depuis les Médicis dans les galeries des Offices, enthousiasmèrent Axel. La peinture se révéla dans sa splendeur, il s’emplit les yeux et l’esprit de visions antiques, d’illuminations bibliques, de paysages irréels, de scènes bucoliques. Au musée, Axel, qui à douze ans en paraissait quinze par sa taille et son assurance, découvrit la femme. Des vierges et saintes il ne retint, en bon huguenot, que la vertueuse ou douloureuse féminité, mais quand il se trouva face aux trois danseuses de Botticelli, robes transparentes et gestes souples, dans l’allégorie du printemps, son silence et son attention amusèrent Martin. Un moment plus tard, ce dernier vit son élève au bord de l’extase devant la nudité provocante de la Vénus d’Urbin, peinte par Titien.
     
    – J’envie diablement le petit chien endormi aux pieds de cette belle créature, dit Axel à son maître, d’une voix rendue rauque par l’émotion.
     
    Ce fut cependant par la sculpture qu’Axel acquit la connaissance esthétique du corps. Devant nymphes et déesses, il ressentit, pour la première fois, l’attrait sensuel des formes féminines. Le marbre, chair dense et figée, offrait à ses yeux poids et volume. Aux femmes dénudées des jardins florentins ne manquait que la vie.
     
    – Je sais maintenant pourquoi Pygmalion, le Chypriote, a supplié Vénus de donner vie à sa statue d’ivoire,

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