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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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meilleur poisson, surtout cuit dans le vin blanc d’ici.
     
    Quand le maréchal des logis, questionné par Fontsalte, eut confirmé que les chevaux, séchés et brossés, pourvus d’une ration d’avoine, reposaient à l’écurie sur de bonnes litières et que tout était en ordre au cantonnement, Blaise donna les consignes pour la nuit.
     
    – Ne te saoule pas avant que le Premier consul soit repassé par Vevey. Il doit rentrer ce soir à Lausanne, après avoir inspecté les approvisionnements livrés à Villeneuve. L’orage l’aura certainement retardé et le ministre de la Guerre l’attend. Il ne s’arrêtera devant la maison Denezy que pour relayer, mais il faut être prêt à tout, car les gens d’ici n’ont pas mis beaucoup de bonne volonté à trouver les chevaux réquisitionnés. Après le passage du général Bonaparte, tu seras libre de ton temps jusqu’à cinq heures. Je te conseille toutefois de dormir pendant que tu as un lit…, on ne sait de quoi la prochaine nuit sera faite ! Nous passerons en Italie par le col du Grand-Saint-Bernard, mais cela doit encore rester secret.
     
    Titus jura ses grands dieux qu’il tiendrait sa langue, qu’il irait flâner, du côté de la place du Marché, jusqu’à ce que la berline du Premier consul soit passée. Et qu’après il irait dormir sagement. Puis il tendit à Blaise la capote qu’il avait apportée de Rive-Reine.
     
    – J’ai pensé que cette pluie, c’est pas bon pour votre tenue, capitaine.
     
    Fontsalte remercia, endossa son grand manteau de cavalerie et se prépara à sortir pour aller souper. Titus, timidement, le retint d’un geste.
     
    – Excusez-moi, citoyen capitaine, mais j’ai eu le bonheur de ramasser ce fer, après la revue, dit-il en tendant à Blaise un fer à cheval usé.
     
    – Eh bien ! c’est un fer, maréchal des logis, que voulez-vous que j’en fasse !
     
    – C’est un fer, bien sûr, mais je sais, moi, d’où il vient. Je l’ai ramassé sur la place du Marché, on était trois à l’avoir vu, mais c’est moi qui l’ai eu. C’est un fer qu’a perdu le cheval du général Bonaparte et j’ai pensé que ça vous ferait plaisir de l’avoir. Il doit porter encore mieux bonheur que les autres, pas vrai !
     
    Fontsalte contrôla son étonnement.
     
    – Mais, voyons, Titus, garde-le, c’est toi qui l’as ramassé. Ce fer est plus qu’un porte-bonheur, c’est un souvenir, presque une relique, mon garçon !
     
    – C’est pour ça que je veux vous le donner, capitaine. Je suis sûr que c’est mieux pour vous que pour moi.
     
    – Eh bien ! je l’accepte avec plaisir, Titus. C’est un vrai cadeau et j’espère qu’il nous portera bonheur à tous deux ! Je te remercie et, maintenant, je vais manger. J’ai une faim de loup ! Ne manque pas de me prévenir s’il se passe quoi que ce soit, ajouta l’officier en marchant vers la porte.
     

    Au fil des jours et des étapes, Fontsalte avait appris à connaître Trévotte, ce Bourguignon rustaud et jouisseur qui, souvent, l’étonnait par des attentions que seuls peuvent avoir les hommes de cœur.
     
    Titus, lui, appréciait que le capitaine expliquât avec simplicité le pourquoi et le comment des choses, le mît un peu dans le secret de l’action, comme il venait de le faire, lui montrât ainsi qu’à son modeste échelon il jouait sa partie et que celle-ci avait son importance dans le grand tout de la guerre. Recevoir des ordres sans savoir à quoi s’en tenir sur le but poursuivi, s’entendre traiter comme un valet par l’officier auquel on est attaché avait quelque chose d’humiliant dont se plaignaient souvent les brosseurs des gradés sortis du peuple. On pouvait se moquer des manières Ancien Régime des officiers issus de la noblesse, mais eux, au moins, étaient polis avec les subalternes. S’ils tenaient au respect des distances hiérarchiques, ils n’exigeaient jamais rien qui ne relevât directement du service. Pour s’adresser à leur ordonnance, ils parlaient, les autres ne faisaient que commander !
     
    En tirant sur sa pipe, les pieds sur les chenets, devant un bon feu ronflant, Titus se dit qu’il avait de la chance. Le fait que le capitaine Fontsalte l’eût choisi comme ordonnance lors du rassemblement de l’armée de réserve à Dijon avait changé sa vie. Sans cette promotion, il serait en train de trotter, avec son peloton, derrière les berlines des généraux et devrait se satisfaire, en

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