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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de coton cannelé gris, pantalon pareil ».
     
    Enfin et surtout, on s’efforçait, sans succès jusque-là, de localiser le général Barthélemy-Louis-Joseph Scherer, que l’on soupçonnait de comploter contre la République. Ministre de la Guerre sous le Directoire, de juillet 1797 à février 1799, puis commandant en chef de l’armée d’Italie en mars 1799, il avait été licencié par le Premier consul pour prévarication. Le service des Affaires secrètes souhaitait « connaître avec prudence le lieu de son séjour » car ce fils de boucher alsacien, ancien cadet de l’armée autrichienne, dont le courage n’avait d’égal que la rapacité, devait se trouver quelque part sur les bords du Léman. On savait seulement qu’un voiturier, nommé Vicat, l’avait conduit, à la fin de l’année 1799, de Genève à Saint-Cergue. La présence d’un tel homme, dont on imaginait l’esprit de vengeance, dans le pays de Vaud inquiétait la gendarmerie et l’état-major.
     
    Les renseignements recueillis par les éclaireurs, qu’une estafette apporta à la fin de l’après-midi, rappelèrent au capitaine Fontsalte les réalités plus immédiates de la guerre. Depuis 1799, une trentaine de fantassins et d’artilleurs, dont les servants de deux mauvaises pièces de 2 livres, cantonnaient chez les religieux à l’hospice du Grand-Saint-Bernard. Ils avaient reçu pour mission essentielle de surveiller le versant italien de la montagne, mais devaient aussi assister les agents du service des Affaires secrètes et des Reconnaissances qui, au péril de leur vie, allaient chercher des informations sur les forces ennemies.
     
    Une forte pluie, stimulée par la vaudaire, fouettait les vitres quand le maréchal des logis Trévotte annonça l’arrivée d’un courrier. L’homme, un sous-officier trempé jusqu’aux os et transi de froid, venait de Villeneuve par le lac, pour livrer un rapport expédié par relais à partir de l’hospice du Grand-Saint-Bernard, noyé dans le brouillard et les tourmentes de neige. Blaise envoya le sergent se sécher et prit connaissance du document. D’après les reconnaissances effectuées, les Autrichiens disposaient de dix mille hommes entre la Levantine et la vallée d’Aoste. Ils avaient construit des retranchements à Courmayeur, à Maggendone, à Ornavasso, où ils possédaient des magasins. Sur la descente du Saint-Bernard on ne comptait, comme force d’interception, qu’une quaran taine d’Autrichiens à Saint-Rhémy, une compagnie à Étroubles et deux compagnies à Aoste. On signalait aussi la présence de quelques pelotons de cavalerie, en tout mille cinq cents soldats dans ce même secteur.
     
    Blaise de Fontsalte estima que, si les forces ennemies étaient de cet ordre, on en viendrait aisément à bout. Mais il avait appris à se méfier des informations trop optimistes et savait, par le général Herbin, que le fort de Bard, puissant verrou qui fermait la route d’Aoste à Ivrea, et partant l’accès à la plaine du Piémont, abritait quatre cents hommes et de nombreux canons. Derrière des murs épais et assez élevés pour décourager toute tentative d’escalade, la garnison pouvait tenir tête à une armée. Quelques semaines plus tôt, l’infanterie aurait peut-être pu tourner le fort pour l’approcher plus facilement par l’arrière, mais les dernières informations reçues faisaient état de nouveaux retranchements élevés par les Autrichiens. Conscients de cette faiblesse localisée de leur ouvrage, les spécialistes, ennemis des fortifications, l’avaient intelligemment renforcé.
     
    Fontsalte referma ses dossiers, les confia à l’aide de camp chargé de la garde des documents confidentiels et alla jeter, par la fenêtre, un regard sur le lac. La pluie avait provisoirement cessé, mais, à mi-hauteur des montagnes de Savoie, de gros nuages boursouflés, couleur ardoise, roulaient en s’effilochant vers Genève, comme des chevaux rouans échappés de l’Apocalypse.
     
    Las et affamé comme un gaillard qui a l’estomac vide depuis le matin, Blaise descendit à la salle de garde, où Titus attendait ses ordres, en fumant sa pipe, après avoir partagé le repas des ordonnances.
     
    – Le colonel Ribeyre vous attend à la taverne, à main gauche en sortant, capitaine. Ils ont de fameux poissons dans leur lac, vous verrez. Si le tenancier vous propose de l’omble chevalier ou de la féra, hésitez pas ! L’omble, c’est le

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