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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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elle qui, tout de suite, l’évoqua :
     
    – J’ai beaucoup regretté de ne pouvoir aller me promener avec vous en barque, l’autre jour. Cela à cause d’un petit malaise féminin sans gravité qu’on appelle migraine, mais qui m’a obligée à garder le lit. Je n’ai su comment vous prévenir de cet empêchement subit, car j’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’un rendez-vous secret, d’une rencontre que tout le monde devait ignorer, n’est-ce pas ?
     
    – Autrement, vous seriez venue ? demanda Axel.
     
    – Je serais venue, cher garçon. Croyez-vous que je n’aie pas déchiffré le message que m’adresse, quelquefois très audacieusement, votre si étrange regard, votre fascinant et double regard, lapis-lazuli et topaze brûlée ! Message auquel, bien sûr, je ne puis répondre… en public !
     
    Le sourire d’Eliza Moore reflétait une telle douceur consentante et ses sombres pupilles, derrière le friselis des longs cils, tant de promesses, qu’Axel tomba à genoux devant la méridienne et couvrit de baisers fougueux la main qu’on lui abandonnait.
     
    D’attendrissements en cajoleries, de caresses en baisers, de câlineries en attouchements, elle attira le garçon contre elle, l’embrassa goulûment, exprimant ainsi qu’elle partageait son désir. Axel, encore craintif, un peu désorienté par le trop prompt abandon de cette femme, eut alors la certitude qu’elle acceptait d’aller au-delà des mignardises. Mrs. Moore ne portait qu’un déshabillé mousseux sur une chemise de nuit ténue qui ne laissait rien ignorer d’un buste luxuriant, d’une taille dont Axel sut plus tard qu’il pouvait presque l’enserrer dans ses grandes mains. De la méridienne au lit, il n’y avait que trois pas.
     
    – Soyez assez patient pour prendre le temps de pousser le verrou, dit-elle en abandonnant son dernier voile sur le tapis, avant de se couler nue entre les draps.
     

    Les semaines qui suivirent furent, pour Axel, une période de griserie des sens et d’angoisse morale. Eliza Moore, dont le registre voluptueux était beaucoup plus étendu, varié et subtil que celui, élémentaire et fruste, enseigné par Tignasse, étourdissait son jeune amant. L’Anglaise vénusiaque faisait des prémices de l’étreinte une liturgie affolante, une exquise torture, une attente délectable, conduisant Axel à implorer le don qu’elle différait par des dérobades tantalisantes, avec un art consommé et une science avérée du corps masculin.
     
    Elle organisait, avec une audace qui le terrifiait, des rendez-vous en des lieux inattendus comme le vieux cimetière Saint-Martin, les dépendances de l’hôtel, une masure abandonnée dans les vignes. Ayant fixé une heure et choisi un lieu écarté pour rencontrer Axel sur la route de Chardonne ou de Blonay, elle arrivait dans son coupé couleur aubergine, se débarrassait du cocher en l’envoyant chercher un verre d’eau dans une ferme, tandis qu’ils s’enlaçaient dans la voiture. Eliza montrait cependant une préférence pour la barque d’Axel, dans laquelle elle osait s’allonger dévêtue tandis qu’il ramait à bonne distance du rivage en évitant d’approcher les pêcheurs qui connaissaient son bateau.
     
    Comme lady Elizabeth ne pouvait accueillir souvent le fils Métaz dans sa chambre, ce qui eût attiré l’attention des domestiques, Eliza faisait preuve d’une imagination diabolique pour obtenir, quand l’envie lui venait, une brève étreinte du garçon. Il arriva un après-midi qu’ayant invité M me Métaz à prendre le thé avec d’autres dames, sur la terrasse de l’hôtel, elle s’esquiva soudain, sous prétexte d’aller chercher un ouvrage de tapisserie qu’elle voulait montrer à ses amies. Quand elle apparut au balcon de sa chambre, donnant des signes d’agitation, toutes levèrent anxieusement la tête.
     
    – Axel, pouvez-vous monter, je vous en prie, il y a un rat, je ne peux plus sortir, il est devant la porte ! lança-t-elle du ton exagérément alarmé que prennent les femmes dans ce cas.
     
    Axel se précipita, gravit l’escalier en courant et trouva Eliza nue sur son lit lui tendant les bras.
     
    – Pousse le verrou et viens vite !
     
    – Mais… si Janet ou… une autre monte ?
     
    – Personne ne viendra. Elles ont trop peur des rats, dépêche-toi !
     
    Longtemps, Axel Métaz se souvint d’avoir, ce jour-là, satisfait Eliza en entendant le caquetage des femmes et

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