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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dans leur corps, contents d’être ensemble, unis par une affection que les jeunes filles prenaient pour de l’amour et que le garçon savait déjà n’être que le désir masqué qui, soudain, saisit les filles pubères.
     
    Avec Elizabeth Moore, l’enjeu était différent et Axel ne s’y trompait pas. Mais la dame anglaise envisageait-elle aussi la trouble perspective d’une aventure sensuelle, où sa fille servirait d’écran, peut-être d’alibi aux amants ? Le soir où, raccompagnant, à la demande de sa mère, les dames Moore à leur auberge, Axel se trouva seul un moment avec la mère, pendant que la fille allait quérir dans sa chambre un livre qu’elle voulait lui prêter, il profita du bref tête-à-tête pour prendre sans hésiter l’offensive. Saisissant la main de Mrs. Moore, il y déposa un baiser plus appuyé qu’il ne convenait. La pression des doigts de la femme et le regard ironique, mais intéressé, qu’elle posa sur le garçon furent perçus par ce dernier comme un encouragement.
     
    Avant que Janet ne paraisse, il osa glisser :
     
    – Demain, ma barque sera amarrée à dix heures, dans l’anse, derrière le château de La Tour-de-Peilz. Viendrez-vous… seule ?
     
    – Et, si je disais « oui »…, que penseriez-vous de moi, jeune homme ? souffla-t-elle, entendant le pas de Janet dans l’escalier.
     
    – Je penserais que vous êtes non seulement la plus belle mais aussi la plus généreuse des femmes, madame ! s’empressa de répliquer à voix basse le garçon.
     
    L’apparition de miss Moore interrompit le marivaudage. Axel prit congé sans avoir pu déceler sur le visage de celle qu’il nommait déjà, à part soi, Eliza, la promesse escomptée.
     
    Il mit, ce soir-là, beaucoup de temps pour trouver le sommeil. Mais, parce qu’il devenait assez présomptueux et croyait déjà connaître les femmes – Rosine Mandoz ne lui avait rien refusé, Janet ne dissimulait guère son goût pour lui et les sœurs Ruty ne demandaient qu’à se livrer – il s’endormit confiant. Eliza viendrait au rendez-vous. N’avait-il pas choisi l’heure où Janet prenait son cours de français chez Chantenoz ?
     
    Contrairement à cette prévision, Mrs. Moore ne vint pas. Axel attendit, s’impatienta, tantôt guettant sur le chemin de l’Entre-deux-villes, tantôt se dissimulant aux regards des passants qui pouvaient le reconnaître. Puis il se résigna, l’heure étant largement passée, à rentrer à Rive-Reine. Déçu, vexé, honteux de l’audace démesurée et de la présomption dont il avait fait preuve, il se fustigea, se dit qu’il ne pourrait jamais plus se trouver en présence de cette femme, qu’elle devait rire de son impertinence puérile, qu’elle était sans doute fâchée et prête à raconter à Dieu sait qui, à M me  Métaz peut-être, la conduite irrévérencieuse et outrecuidante de son fils.
     
    Pendant plusieurs jours, il évita de passer rue du Simplon, devant les Trois-Couronnes. Il quittait la maison à l’heure du thé, quand sa mère risquait de recevoir Mrs. Moore comme souvent. Puis, après quelques jours, il apprit par Janet, qui toujours l’attendait après son cours de français chez Chantenoz, qu’Elizabeth, ayant été souffrante, se remettait en gardant la chambre et qu’il serait aimable d’aller la distraire un moment car elle s’ennuyait.
     
    – Maman m’a demandé de vous dire que vous pourriez lui faire visite entre trois et cinq heures, cet après-midi. Elle sera seule, car j’ai mon cours de piano. Je ne pourrai lui tenir compagnie et votre mère m’a dit qu’elle ne rentrera de Lausanne que demain. Alors, allez voir maman, ça lui fera plaisir.
     
    Axel, réconforté mais inquiet, redoutant l’accueil de Mrs. Moore, ses moqueries ou sa commisération, se rendit à l’auberge, un paquet de livres à la main. Il trouva Eliza, dans sa chambre, les cheveux défaits, sans maquillage, allongée sur une méridienne, face au lac, devant la porte-fenêtre ouverte malgré la pluie fine qui mouillait le balcon.
     
    – Notre lac est plus beau sous le soleil, n’est-ce pas ? dit-il, se forçant au naturel et n’osant approcher.
     
    Gracieuse, elle le pria de venir près d’elle, lui désigna un pouf et lui prit la main avec l’insistance d’une malade cherchant le contact d’un être en bonne santé. Chemin faisant, il s’était juré de s’abstenir de toute allusion au rendez-vous manqué, mais ce fut

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