Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Bacchus, le dieu jovial et rubicond, à cheval sur un tonneau soutenu par des gaillards grimés en esclaves noirs, accompagné par des faunes sautillants et de mâles bacchantes trop musclées et poilues pour jouer les ribaudes lascives ! Le sacrificateur de service avait bien du mal à conduire le bouc tutélaire des turbulences bacchiques.
     
    On en était là de la parade quand un gamin, se faufilant de gradin en gradin, vint se planter devant Fontsalte.
     
    – Vous êtes bien M. Blaise, monsieur ?
     
    Fontsalte acquiesça et l’enfant lui tendit aussitôt une enveloppe, tourna les talons et dévala les gradins, avant que Blaise ait pu lui poser la moindre question. Fontsalte pensa immédiatement à un message urgent de Dorette et ouvrit le pli. Ce qu’il lut lui fit aussitôt oublier le spectacle, les chants, les danses et les applaudissements que les spectateurs voisins décernaient frénétiquement à la noce villageoise qui, maintenant, occupait la scène. Pendant une seconde, Blaise de Fontsalte, dont la vie militaire avait été jalonnée d’émotions fortes et de dangers, eut une sorte d’éblouissement, de vertige. Retrouvant son sang-froid, il parcourut à nouveau les lignes tracées d’une écriture élégante et ferme, qu’il avait cru reconnaître dès le premier regard.
     
    « Général, vos amours d’autrefois avec la jolie M me  Métaz ne sont pas restées sans conséquences, quoiqu’on ne vous ait jamais rien dit. Vous avez ici un fils, qui se reconnaît à un signe très particulier que vous lui avez légué. Il figure, dans la parade, le grand prêtre de Bacchus. Vous pourrez, si le cœur vous en dit, le revoir au caveau des Métaz, après la fête. Ne quittez sous aucun prétexte votre couvre-œil. Avant de me retirer du monde, je tenais à libérer ma conscience d’un mensonge qui ne m’appartient pas, mais que je contribue à entretenir depuis dix-huit ans. Dieu pourvoira aux conséquences de cette tardive indiscrétion. » Cette révélation était signée : Flora Baldini.
     
    Le message parvenait trop tard pour que Blaise pût identifier ce fils dont l’ancienne espionne dénonçait l’existence. Bacchus, son grand prêtre et son cortège avaient quitté la scène. Obnubilé par cette surprenante divulgation, Blaise ne vit rien des derniers tableaux du spectacle. Ce fils qu’on lui attribuait devait donc avoir, au plus, dix-huit ans.
     
    En quittant l’enceinte de la fête avec la foule, il décida qu’il irait au caveau des Métaz. Son apparence de borgne lui permettrait une incursion sans risque. Puis il se dirigea vers le pont de la Veveyse où il avait donné rendez-vous à Trévotte, qui devait l’attendre avec les chevaux.
     
    Titus avait suivi le déroulement de la fête juché sur un toit avec de joyeux paysans qui n’avaient pas d’argent pour payer leur place. Sans donner de détails, Blaise dit au Bourguignon, qui partageait son sort depuis vingt ans, qu’il aurait à faire en ville assez tard et qu’il le rencontrerait, au même endroit, vers dix heures, à la nuit tombée. Il lui demanda, bien que cela fût difficile dans une ville envahie par les étrangers, de retenir un logement. Ils passeraient la nuit à Vevey.
     
    Il ne restait à Blaise qu’à trouver le caveau des Métaz, que tout Vevey connaissait. Un passant le renseigna. C’était une coutume des vignerons, les soirs de fête, de réunir leurs amis dans ce qu’ils nommaient leur caveau, sorte de cellier plus ou moins confortablement aménagé, où l’on pouvait manger, boire, chanter, fumer, se raconter entre hommes des histoires salées et faire tout le bruit qu’on voulait sans gêner ni épouses ni voisins.
     

    Le caveau de Guillaume, dans la famille depuis plusieurs générations de vignerons, se trouvait en pleine ville, sous un vieil immeuble adossé aux derniers vestiges des anciens remparts. Il comprenait principalement une longue salle voûtée, aux murs de pierre brute, contre lesquels étaient dressés des casiers qui contenaient les meilleures bouteilles de plusieurs récoltes. Martin Chantenoz, qui s’y rendait souvent, appelait cette salle fraîche la bibliothèque de Guillaume. Celle-ci était meublée de lourdes tables en chêne poli par les coudes des buveurs et de bancs de bois qui, avec quelques vieux outils rouillés, raclets et serpettes, suspendus à la voûte et des blasons communaux, conféraient au lieu une ambiance médiévale. Quand Fontsalte y

Weitere Kostenlose Bücher