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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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le mot de passion à la bouche, tu as vécu sans alerte sérieuse, dans l’adultère épisodique, un amour plan-plan, et cela depuis dix-neuf ans ! M. Blaise arrivait, repartait, disparaissait, donnait de ses nouvelles ou n’en donnait pas. Une petite blessure par-ci, une petite mission par-là ! Et toi, Pénélope sans illusions – car ton Ulysse, hein ! com bien a-t-il rencontré de Calypso ? –, tu as vécu en bourgeoise indolente et choyée par un mari laborieux. Ton péché, qui aurait pu déboucher sur une passion tragique et fulgurante, est resté un cocuage sans risque ni brio !
     
    – Flora, tu es folle ! Une passion tragique et fulgurante ! Du brio ! C’est mon genre ! Tu t’enflammes, toi qui n’as même pas été capable de trouver un garçon à aimer !
     
    – Qu’en sais-tu, Carlotta ? En tout cas, ne te plains pas que la fête crée, pour une fois, de l’animation dans le pays et dans ta vie ! Nous en avons beaucoup manqué, et depuis longtemps. Car les guerres et les révolutions, hein, chez les Métaz, on en a parlé beaucoup, mais qui les a faites ? Toi, tu les as vécues à travers les glorieux faits d’armes de ton soudard et Guillaume… en faisant des comptes !
     
    – Tu deviens vraiment insupportable, Flora.
     
    – Insupportable comme une conscience, hein !
     
    – À toujours donner des leçons, on indispose ses meilleurs amis, sais-tu !
     
    – Tu n’auras plus longtemps à me supporter. Je m’en vais à Rome, d’abord chez Tignasse. Ta correspondance avec Blaise et ta littérature emplissent une malle ! En voici la clé et, aussi, celle de ma maison. Tu iras prendre ton bien quand tu voudras !
     
    En achevant sa phrase, Flora lança les deux clés sur un guéridon et quitta le salon.
     
    Charlotte, habituée aux sorties de son amie, ramassa les clés en haussant les épaules, sans attacher d’importance à ce nouveau mouvement d’humeur.
     

    Trois jours avant le commencement de la fête, le général Fontsalte s’annonça et Charlotte courut au moulin sur la Vuachère pour le rencontrer. Blaise, très élégant dans une redingote puce, paraissait heureux et fringant.
     
    – Je compte, chère Dorette, me rendre à Vevey le 6 août pour assister à votre grandiose fête des Vignerons. L’administrateur de Prangins m’a offert une place. On dit partout qu’il s’agit d’un événement unique en Europe. Je ne veux pas manquer ça !
     
    La moue de M me  Métaz signifia que ce projet suscitait une vive contrariété.
     
    – Je crois qu’il serait plus sage de ne pas vous montrer ce jour-là… Tout Vevey sera sur les gradins… On pourrait vous reconnaître !
     
    – Qui pourrait me reconnaître ? J’ai rencontré si peu de monde, ici ! Et, vêtu comme un bourgeois, qui voulez-vous qui reconnaisse en moi le capitaine d’autrefois ?
     
    – Ce ruban rouge que vous portez et la façon que vous avez de vous tenir… si droit, votre démarche altière vous désignent au premier regard comme un militaire français ! Un ancien de Napoléon ! Nous en avons vu tellement passer à Vevey depuis 1798 ! Je vous en prie, Blaise, un scandale est si vite arrivé !
     
    – Seule Flora me connaît et, comme elle est au courant de nos relations et, j’imagine, de ma présence dans le pays de Vaud, je ne vois pas où est, pour vous, le risque d’un scandale. Votre mari et vos enfants ne m’ont jamais vu !
     
    – Je crains justement un mauvais hasard, une rencontre fortuite, insista Charlotte.
     
    Elle pensait à Chantenoz, aux bains de Loèche. Certes, le précepteur ne faisait jamais allusion à l’incident et Blaise ignorait tout du drame de ce jour-là, mais Martin, requis pour guider les étrangers de marque, pouvait se heurter à Blaise et le reconnaître. Et si le vin lui donnait alors de l’audace…
     
    – Vraiment, Blaise, je crains une rencontre inopportune. Pensez que vous avez un regard… particulier ! Que l’on remarque, que l’on retient ! Renoncez, je vous prie, à vous montrer en ville ces temps-ci.
     
    – J’ai prévu de me cacher un œil pour circuler, pour aller à la fête, dans le cas où une autre Veveysanne aurait gardé le souvenir de mon regard ensorcelant, dit-il gaiement.
     
    Comme Charlotte se taisait, visiblement contrariée, Blaise tira de sa poche un couvre-œil de cuir noir muni d’un ruban. Il mit le bandeau en place et fixa Charlotte de l’œil découvert.
     
    – Vous

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