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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pénétra, une vingtaine d’hommes bavardaient, assemblés par groupes autour des tables où jambons, pain et fromage circulaient, chacun taillant une part à sa faim. Deux tonneaux enrubannés aux couleurs vaudoises rappelaient la fête du jour. À chaque instant, un ami de Guillaume Métaz levait son verre, lançait en patois ce qu’on eût ailleurs appelé un toast et invitait l’assistance à boire à la santé des vignerons de tous les temps !
     
    Charlotte ne fréquentait pas les caveaux. Elle ne supportait ni les beuveries rustiques ni les ivrognes et, pendant que les hommes se restauraient et buvaient en commentant la fête avec leurs invités, M me  Métaz, sa fille Blandine et leurs amies soupaient tranquillement chez la femme du syndic. Cette der nière avait convié les épouses des membres du Conseil et celles des personnalités de passage à Vevey. Et cela, en attendant de se rendre au bal.
     
    À peine Blaise de Fontsalte eut-il fait trois pas dans le caveau que Guillaume, en hôte soucieux de bien accueillir les visiteurs, même inconnus, le remarqua. Ce grand gaillard sec, en redingote stricte, portant ostensiblement l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur et l’œil droit couvert, ne pouvait passer inaperçu.
     
    – Venez prendre avec nous le verre de l’amitié, monsieur, dit le vigneron en lui faisant place sur le banc.
     
    Blaise se présenta comme baron des Atheux, officier en demi-solde et voyageant en Suisse pour son plaisir et son instruction. Guillaume, après s’être fait reconnaître comme maître des lieux, nomma au nouveau venu les invités qui l’avaient précédé : un négociant anglais que le vin blanc avait endormi, un horloger genevois et deux messieurs qui venaient d’ouvrir une banque à Vevey.
     
    – Alors, monsieur, en tant que Français et militaire, que pensez-vous de notre fête ? demanda l’hôte.
     
    – Votre fête, messieurs, si je ne craignais pas de vous choquer par trop de religion, m’a fait penser à ces mystères que l’on représentait au Moyen Âge sur les parvis des cathédrales. Je l’ai vue comme une sorte de grand-messe profane, en même temps qu’un opéra. Pour ceux qui estiment que les dieux et déesses de l’Antiquité ont joué un rôle civilisateur, cette belle parade rythmée par les saisons de la vigne vaut tous les enseignements. Elle honore la fécondité de vos terres, vos travaux, et met en évidence votre belle jeunesse, ardente et patriote. Votre fête, messieurs, est un exemple pour l’Europe, comme votre sage Helvétie romande.
     
    On approuva hautement les propos du Français et Blaise eut droit à un toast.
     
    Tout en parlant, il avait parcouru l’assistance du regard, à la recherche de celui qu’il voulait à tout prix voir, au moins une fois dans sa vie. En se retournant, il eut la surprise de découvrir à la table voisine un garçon au regard vairon, au regard Fontsalte, à n’en pas douter.
     
    Axel, débarrassé de sa barbe postiche, de sa robe et de la lourde tiare du grand prêtre, n’était venu au caveau que pour plaire à son père et parce que ce dernier avait invité un Anglais. Mais le négociant était ivre mort et incapable de tenir une conversation, quelle que fût la langue proposée. Axel s’ennuyait.
     
    La vue de ce grand garçon au torse puissant, aux muscles longs, causa chez Blaise une curieuse sensation. Autant qu’il pût s’en rendre compte – la marquise de Fontsalte eût été meilleur juge – ce jeune homme devait beaucoup ressembler à l’adolescent qu’il avait été. M. Métaz, ayant remarqué l’intérêt de l’étranger pour son fils, le présenta.
     
    – C’est mon garçon, monsieur. Il se nomme Axel Métaz et fait ses études de droit à Lausanne. Et c’est mon successeur, ajouta Guillaume, d’un air entendu, en se penchant vers Fontsalte.
     
    Blaise s’apprêtait à interroger le garçon sur son rôle dans la fête quand un homme, un verre dans une main, une bouteille dans l’autre, approcha du fond de la salle en se heurtant aux épaules des buveurs attablés. Il vint se planter devant Fontsalte et, la paupière tombante, le toisa d’un air narquois.
     
    – Monsieur…, permettez-moi…, j’ai égaré mes lunettes et ma vue peut me trahir, mais…
     
    – Mais tu es saoul comme une grive, compléta un quidam.
     
    L’ivrogne ne se laissa pas impressionner et reprit son discours :
     
    – Ma vue peut… me trahir, mais je

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